1939-1940 Le Génie aux cours de la seconde guerre mondiale
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1939-1940 Le Génie aux cours de la seconde guerre mondiale
Le Génie dans la campagne de 1939-1940.
Bonjour,
Voici quelques extraits de l’ouvrage de Georges Kosak : Belgique et France 1940 avec la compagnie du génie des 4e D.L.C. et 7e D.L.M, B. Arthaud, Grenoble et Paris, 1946.
Georges Kosak dont j’ignore le grade à l’époque, était le plus vieux des trois chefs de section de la compagnie du génie 48-2. Il commandait la 2e section. Voici quelques extraits de son récit sous la forme de chronique.
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9 mai 1940
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Poste de commandement : école ménagère de Clairfontaine.
10 mai 1940 : matin
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Arrivée d’un motard apportant un pli secret : le commandant d’unité ordonne « Alerte n°3 », tout le monde à son poste ; les 21 permissionnaires qui s’apprêtaient à partir débarquent du camion.
Chargement des matériels dans les camions et chenillettes.
Ils apprennent plus tard que les Allemands viennent de franchir la frontière Belge.
Il s’agit désormais de préparer 120 véhicules et motos de l’unité pour être en ordre de marche. Chaque section représente un convoi de 14 à 15 km de longueur.
Pendant la période de calme les sections étaient disséminées dans la région sur des emplacements de travail, pour la construction de baraques pour les foyers du soldat et de blockhaus en béton.
Section motos du sous-lieutenant Janson : est à Eppe-Sauvage.
2e Section des chenillettes de l’auteur : à Beïves.
La section du sous-lieutenant Laville avec les trains de combat n°1 et n°2 : est à l’Etang de la Folie.
10 mai 1940 : 10h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
En 1h30 tout est prêt et chaque section a rejoint l’unité avec laquelle elle combat.
La section du SLT KOSAK est affectée au détachement de découverte de la division.
10 mai 1940 : 12h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 12h10 très précises, nous franchissons avec le détachement de découverte de la division la frontière belge en direction de Philippeville.
Nous passons Florennes, puis Bioul ; la colonne avance à une allure record. La Meuse est proche.
A Bioul plusieurs formations quittent la colonne pour rejoindre leur secteur respectif.
La section Génie poursuit sa route pour franchir la Meuse à Godinne (13 km au sud de Namur) avec le détachement de découverte.
Jusqu’à Ciney l’accueil des Belges et délirant. A Ciney, un sentiment bizarre nous étreint ; les rues sont calmes et muettes, les volets sont clos ; il n’y a plus que le tintamarre infernal des chenilles raclant le sol et celui des moteurs pour troubler nos pensées. Nos hommes sont devenus attentifs et graves.
Plus nous avançon, plus notre formation se morcelle et plus les pays sont vides et morts.
Dès les abords de Pessous nous trouvons d’importants troupeaux de bétail, abandonnés depuis plusieurs jours.
Maintenant chaque unité prend sa formation de combat : les motocyclistes partent en avant avec des A.M.D. pour assurer notre protection et arrêter les incursions ennemies ;la zone est avancée et peut réservée des surprises.
10 mai 1940 : 19h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Nous atteignons Marche sans qu’aucun contact avec l’ennemi n’ait été pris. Le secteur reste calme.
A Marche les hommes mangent et devisent assis sur les bords des fossés.
Des religieux nous offrent l’hospitalité.
Le colonel Grevy, commandant le 4e R.A.M. a installé son PC dans cette ville.
Kosak retrouve son collègue le SLT Janson, qui part pour faire une reconnaissance en side-car et disparaîtra pour toujours, puisque son corps aurait été retrouvé plus tard à côté de son conducteur.
Sur la route déferle une foule compacte qui fuit l’envahisseur en direction de la France.
Nous attendons le ravitaillement pour pousser plus avant sans entamer nos réserves.
Le ravitaillement a déjà six heures de retard. Nous envoyons des motos à la recherche de la colonne de l’ADC Vagneron.
11 mai 1940 : 2h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 2h00 du matin l’énorme citerne et le camion surgit à l’opposé de l’endroit où nous l’attendions. En l’absence de poteaux indicateurs il s’était aventuré côté ennemie et a été gêné par le flot de réfugiés.
Désignation des secteurs où nous opérons.
Le PC reste à Marche.
Section Vagneron (qui remplace le SLT Janson) se porte sur l’Ourthe au nord-ouest de Marche.
Le SLT Laville au sud-est.
La 2e section au nord-est, c’est de cette direction que l’ennemi devait déboucher.
11 mai 1940 : 5h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 5 heures les ponts sautent.
Renseignements : il semble que la résistance des éléments placés entre nous et la frontière soit plus faible qu’on ne l’estimait.
La situation a évolué dans des conditions telles que toutes les troupes devront être employées à faire front à l’ennemi.
Le génie devra travailler sans être protégé et accomplir sa tâche tout en combattant pour assurer sa propre sécurité.
La nuit qui s’achève est peuplée de mystères… La guerre approche..
Les lueurs du jour qui se lève excitent les esprits, d’autant plus que nous ne savons pas encore à quelles forces nous seront opposés.
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11 mai 1940 : fin de la nuit
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Ainsi que des ombres, le 11 mai à la fin de la nuit, nous gagnâmes la position qui nous avait été désignée et nous nous mîmes au travail. Lorsque le jour se fut levé, nous avions presque creusé nos trois fourneaux.
Bientôt nous pourrons en commencer le chargement dont l’explosion devrait détruire à la fois le pont de la voie ferrée, la route et le remblai qui, en s’écroulant, obstruera totalement la route du côté opposé au premier fourneau de mine.
11 mai 1940 : 9h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
La voiture du lieutenant Querverue, commandant d’unité, arrive en trombe.
Il explique que le pont-route de Hotton a été mal coupé par les Belges et qu’il permet encore très facilement le passage des chars légers, des piétons et des véhicules autos.
L’Ourthe est large mais ses eaux sont peu profondes. Le pont a été coupé en deux endroits, ce qui l’a divisé en trois tronçons dont les deux parties les plus près des rives forment des plans inclinés où les chars peuvent s’aventurer sans risques.
Aussitôt cinq hommes sont rassemblés et je pars avec eux dans une chenilette suivie d’n camion d’explosifs.
Pavero prend le commandement de la section.
Hotton n’est qu’à quelques kilomètres et notre petite troupe y arrive en peu de temps.
Deux AMD camouflées dans des recoins.
Le pont est effectivement mal coupé puisque de nombreux piétons, cyclistes et voiture légères le franchissent devant nous.
Notre attirail est débarqué et en un tour de main et les charges d’explosif rapidement calculées ; certaines sont disposées dans des augets en bois rapidement fabriqués.
Tout le monde s’affaire à la confection des paquets de pétard et des fourreaux de toile qui contiendront certaines charges difficiles à fixer.
Soudain l’air s’empli d’un vrombrissement. Un avion s’approche que nous ne voyons pas encore ; deux de nos hommes se dirige vers le FM posté en piquet de bois en position de DCA afin d’assurer notre protection.
Quelques secondes plus tard un petit avion apparait, ce doit être un Foker de reconnaissance ; il semble bien inoffensif. Il descend si bas que l’on voit la tête du pilote ; il se met sur l’aile et nous mitraille avec son unique mitrailleuse. Presque en même temps notre FM et les mitrailleuses des AMD ripostent. A la jumelle j’ai pu observer plusieurs impacts. C’est pour lui une surprise et il remonte brusquement. Il s’éloigne puis revient derrière la colline, mais beaucoup plus haut. Il semble communiquer avec un observateur terrestre et nous nous hâtons d’achever notre besogne.
11 mai 1940 : 13h30
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 13h30 tout est prêt, ce qui reste de notre matériel est embarqué. Un dernier coup d’œil aux cordeaux. Le plus difficile est d’arrêter tous ces gens, mais rien n’y fait. Une idée me vient, je saisie une mèche pour la placer sur la rive opposée et dès que la fumée appara^t, tout le monde s’arrête et recule apeuré. Nous pouvons maintenant accomplir notre devoir. Nous aurons juste le temps de nous éloigner de 300 m et ceux des AMD de rentrer dans leurs coquilles d’acier ;
11 mai 1940 : 13h45
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 13h45, la formidable explosion a lieu. Une colonne de fumée noire s’élève. Nous voulons revoir notre travail : c’est propre, c’est net, on croirait que cela a été découpé au couteau. Des AMR allemandes débouchent sur la rive opposée et nous gratifient de quelques rafales de mitrailleuses pour nous prouver qu’elles n’ont pas le même jugement que nous, puis logent la rive pour trouver un passage ; trop tard, la route est coupé. Cette fois c’est un baptême du feu très sérieux, les balles sifflent et ricochent sur les murs.
Nous nous sommes prestement dissimulés dans l’une des maisons riveraine éventrées par la déflagration. Nous profitons de récupérer de l’essence sur une pompe que nous démontons par la suite.
Le calme est revenu et notre petite troupe regagne Marche par la route n°35.
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11 mai 1940 : 14h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Il est un peu plus que 14h00 lorsque nous rejoignons les camarades.
Soudain, la mitraille siffle et crépite de tous les côtés ; nous apprenons qu’à notre droite, Laville a dû se replier avec sa section et que, sur notre gauche, le peloton des RDP se replie. Immédiatement les armes automatiques sont placées aux bons endroits, les mousquetons prêts à faire feu.
Quelques instants plus tard du haut du remblai, nous apercevons l’aspirant Favière se repliant à travers champs avec ses side-cars tous terrains.
Suivant la consigne, nous devons défendre jusqu’au bout nos dispositifs et ne les faire sauter qu’au moment où l’ennemi sera sur le point de s’en emparer. Cette théorie est certainement plus facile à écrire qu’à mettre en pratique. Que pouvions-nous, isolés et sans espoir de secours ?
Il faut agir vite et renforcer notre dispositif de mines par un complément d’explosifs à prélever sur les réserves des camions, camouflés à quelque deux kilomètres de là. Verdanat, notre sapeur motocycliste, transmettra mon ordre ; il enfourche sa machine et nous le suivons dans sa course jusqu’aux premières maisons derrière lesquelles il disparaît, puis le bruit de son moteur ne nous parvient plus que très étouffé.
Soudain, une violente mitraillade crépite rageusement, suivie de quelques coups de canon de char ; puis de nouveau, le silence de plus en plus pesant ; nous sommes persuadés que quelque chose de grave est arrivé…….
Je grimpe dans ma Primaquatre…. Brusquement une masse gris-vert barre la chaussée… Une automitrailleuse ennemie manœuvre… Je freine… je braque à gauche… La moto de Verdanat gît sans moteur le long de la muraille… Verdanat court…. Au passage Verdanat saute dans la voiture par la portière que je lui ai ouverte… Il était temps, des coups de feu partent de la maison et l’automitrailleuse revenue de sa surprise, un peu tard, de nous prendre dans ses rafales, mais nous prenons le virage et les balles ne font que ricocher sur le mur…
Si nous avions avec nous les camions avec la réserve d’explosifs et de munitions, nous pourrions tenir un bout de temps..
A bientôt pour la suite
MJR
Bonjour,
Voici quelques extraits de l’ouvrage de Georges Kosak : Belgique et France 1940 avec la compagnie du génie des 4e D.L.C. et 7e D.L.M, B. Arthaud, Grenoble et Paris, 1946.
Georges Kosak dont j’ignore le grade à l’époque, était le plus vieux des trois chefs de section de la compagnie du génie 48-2. Il commandait la 2e section. Voici quelques extraits de son récit sous la forme de chronique.
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9 mai 1940
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Poste de commandement : école ménagère de Clairfontaine.
10 mai 1940 : matin
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Arrivée d’un motard apportant un pli secret : le commandant d’unité ordonne « Alerte n°3 », tout le monde à son poste ; les 21 permissionnaires qui s’apprêtaient à partir débarquent du camion.
Chargement des matériels dans les camions et chenillettes.
Ils apprennent plus tard que les Allemands viennent de franchir la frontière Belge.
Il s’agit désormais de préparer 120 véhicules et motos de l’unité pour être en ordre de marche. Chaque section représente un convoi de 14 à 15 km de longueur.
Pendant la période de calme les sections étaient disséminées dans la région sur des emplacements de travail, pour la construction de baraques pour les foyers du soldat et de blockhaus en béton.
Section motos du sous-lieutenant Janson : est à Eppe-Sauvage.
2e Section des chenillettes de l’auteur : à Beïves.
La section du sous-lieutenant Laville avec les trains de combat n°1 et n°2 : est à l’Etang de la Folie.
10 mai 1940 : 10h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
En 1h30 tout est prêt et chaque section a rejoint l’unité avec laquelle elle combat.
La section du SLT KOSAK est affectée au détachement de découverte de la division.
10 mai 1940 : 12h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 12h10 très précises, nous franchissons avec le détachement de découverte de la division la frontière belge en direction de Philippeville.
Nous passons Florennes, puis Bioul ; la colonne avance à une allure record. La Meuse est proche.
A Bioul plusieurs formations quittent la colonne pour rejoindre leur secteur respectif.
La section Génie poursuit sa route pour franchir la Meuse à Godinne (13 km au sud de Namur) avec le détachement de découverte.
Jusqu’à Ciney l’accueil des Belges et délirant. A Ciney, un sentiment bizarre nous étreint ; les rues sont calmes et muettes, les volets sont clos ; il n’y a plus que le tintamarre infernal des chenilles raclant le sol et celui des moteurs pour troubler nos pensées. Nos hommes sont devenus attentifs et graves.
Plus nous avançon, plus notre formation se morcelle et plus les pays sont vides et morts.
Dès les abords de Pessous nous trouvons d’importants troupeaux de bétail, abandonnés depuis plusieurs jours.
Maintenant chaque unité prend sa formation de combat : les motocyclistes partent en avant avec des A.M.D. pour assurer notre protection et arrêter les incursions ennemies ;la zone est avancée et peut réservée des surprises.
10 mai 1940 : 19h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Nous atteignons Marche sans qu’aucun contact avec l’ennemi n’ait été pris. Le secteur reste calme.
A Marche les hommes mangent et devisent assis sur les bords des fossés.
Des religieux nous offrent l’hospitalité.
Le colonel Grevy, commandant le 4e R.A.M. a installé son PC dans cette ville.
Kosak retrouve son collègue le SLT Janson, qui part pour faire une reconnaissance en side-car et disparaîtra pour toujours, puisque son corps aurait été retrouvé plus tard à côté de son conducteur.
Sur la route déferle une foule compacte qui fuit l’envahisseur en direction de la France.
Nous attendons le ravitaillement pour pousser plus avant sans entamer nos réserves.
Le ravitaillement a déjà six heures de retard. Nous envoyons des motos à la recherche de la colonne de l’ADC Vagneron.
11 mai 1940 : 2h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 2h00 du matin l’énorme citerne et le camion surgit à l’opposé de l’endroit où nous l’attendions. En l’absence de poteaux indicateurs il s’était aventuré côté ennemie et a été gêné par le flot de réfugiés.
Désignation des secteurs où nous opérons.
Le PC reste à Marche.
Section Vagneron (qui remplace le SLT Janson) se porte sur l’Ourthe au nord-ouest de Marche.
Le SLT Laville au sud-est.
La 2e section au nord-est, c’est de cette direction que l’ennemi devait déboucher.
11 mai 1940 : 5h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 5 heures les ponts sautent.
Renseignements : il semble que la résistance des éléments placés entre nous et la frontière soit plus faible qu’on ne l’estimait.
La situation a évolué dans des conditions telles que toutes les troupes devront être employées à faire front à l’ennemi.
Le génie devra travailler sans être protégé et accomplir sa tâche tout en combattant pour assurer sa propre sécurité.
La nuit qui s’achève est peuplée de mystères… La guerre approche..
Les lueurs du jour qui se lève excitent les esprits, d’autant plus que nous ne savons pas encore à quelles forces nous seront opposés.
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11 mai 1940 : fin de la nuit
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Ainsi que des ombres, le 11 mai à la fin de la nuit, nous gagnâmes la position qui nous avait été désignée et nous nous mîmes au travail. Lorsque le jour se fut levé, nous avions presque creusé nos trois fourneaux.
Bientôt nous pourrons en commencer le chargement dont l’explosion devrait détruire à la fois le pont de la voie ferrée, la route et le remblai qui, en s’écroulant, obstruera totalement la route du côté opposé au premier fourneau de mine.
11 mai 1940 : 9h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
La voiture du lieutenant Querverue, commandant d’unité, arrive en trombe.
Il explique que le pont-route de Hotton a été mal coupé par les Belges et qu’il permet encore très facilement le passage des chars légers, des piétons et des véhicules autos.
L’Ourthe est large mais ses eaux sont peu profondes. Le pont a été coupé en deux endroits, ce qui l’a divisé en trois tronçons dont les deux parties les plus près des rives forment des plans inclinés où les chars peuvent s’aventurer sans risques.
Aussitôt cinq hommes sont rassemblés et je pars avec eux dans une chenilette suivie d’n camion d’explosifs.
Pavero prend le commandement de la section.
Hotton n’est qu’à quelques kilomètres et notre petite troupe y arrive en peu de temps.
Deux AMD camouflées dans des recoins.
Le pont est effectivement mal coupé puisque de nombreux piétons, cyclistes et voiture légères le franchissent devant nous.
Notre attirail est débarqué et en un tour de main et les charges d’explosif rapidement calculées ; certaines sont disposées dans des augets en bois rapidement fabriqués.
Tout le monde s’affaire à la confection des paquets de pétard et des fourreaux de toile qui contiendront certaines charges difficiles à fixer.
Soudain l’air s’empli d’un vrombrissement. Un avion s’approche que nous ne voyons pas encore ; deux de nos hommes se dirige vers le FM posté en piquet de bois en position de DCA afin d’assurer notre protection.
Quelques secondes plus tard un petit avion apparait, ce doit être un Foker de reconnaissance ; il semble bien inoffensif. Il descend si bas que l’on voit la tête du pilote ; il se met sur l’aile et nous mitraille avec son unique mitrailleuse. Presque en même temps notre FM et les mitrailleuses des AMD ripostent. A la jumelle j’ai pu observer plusieurs impacts. C’est pour lui une surprise et il remonte brusquement. Il s’éloigne puis revient derrière la colline, mais beaucoup plus haut. Il semble communiquer avec un observateur terrestre et nous nous hâtons d’achever notre besogne.
11 mai 1940 : 13h30
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 13h30 tout est prêt, ce qui reste de notre matériel est embarqué. Un dernier coup d’œil aux cordeaux. Le plus difficile est d’arrêter tous ces gens, mais rien n’y fait. Une idée me vient, je saisie une mèche pour la placer sur la rive opposée et dès que la fumée appara^t, tout le monde s’arrête et recule apeuré. Nous pouvons maintenant accomplir notre devoir. Nous aurons juste le temps de nous éloigner de 300 m et ceux des AMD de rentrer dans leurs coquilles d’acier ;
11 mai 1940 : 13h45
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 13h45, la formidable explosion a lieu. Une colonne de fumée noire s’élève. Nous voulons revoir notre travail : c’est propre, c’est net, on croirait que cela a été découpé au couteau. Des AMR allemandes débouchent sur la rive opposée et nous gratifient de quelques rafales de mitrailleuses pour nous prouver qu’elles n’ont pas le même jugement que nous, puis logent la rive pour trouver un passage ; trop tard, la route est coupé. Cette fois c’est un baptême du feu très sérieux, les balles sifflent et ricochent sur les murs.
Nous nous sommes prestement dissimulés dans l’une des maisons riveraine éventrées par la déflagration. Nous profitons de récupérer de l’essence sur une pompe que nous démontons par la suite.
Le calme est revenu et notre petite troupe regagne Marche par la route n°35.
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11 mai 1940 : 14h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Il est un peu plus que 14h00 lorsque nous rejoignons les camarades.
Soudain, la mitraille siffle et crépite de tous les côtés ; nous apprenons qu’à notre droite, Laville a dû se replier avec sa section et que, sur notre gauche, le peloton des RDP se replie. Immédiatement les armes automatiques sont placées aux bons endroits, les mousquetons prêts à faire feu.
Quelques instants plus tard du haut du remblai, nous apercevons l’aspirant Favière se repliant à travers champs avec ses side-cars tous terrains.
Suivant la consigne, nous devons défendre jusqu’au bout nos dispositifs et ne les faire sauter qu’au moment où l’ennemi sera sur le point de s’en emparer. Cette théorie est certainement plus facile à écrire qu’à mettre en pratique. Que pouvions-nous, isolés et sans espoir de secours ?
Il faut agir vite et renforcer notre dispositif de mines par un complément d’explosifs à prélever sur les réserves des camions, camouflés à quelque deux kilomètres de là. Verdanat, notre sapeur motocycliste, transmettra mon ordre ; il enfourche sa machine et nous le suivons dans sa course jusqu’aux premières maisons derrière lesquelles il disparaît, puis le bruit de son moteur ne nous parvient plus que très étouffé.
Soudain, une violente mitraillade crépite rageusement, suivie de quelques coups de canon de char ; puis de nouveau, le silence de plus en plus pesant ; nous sommes persuadés que quelque chose de grave est arrivé…….
Je grimpe dans ma Primaquatre…. Brusquement une masse gris-vert barre la chaussée… Une automitrailleuse ennemie manœuvre… Je freine… je braque à gauche… La moto de Verdanat gît sans moteur le long de la muraille… Verdanat court…. Au passage Verdanat saute dans la voiture par la portière que je lui ai ouverte… Il était temps, des coups de feu partent de la maison et l’automitrailleuse revenue de sa surprise, un peu tard, de nous prendre dans ses rafales, mais nous prenons le virage et les balles ne font que ricocher sur le mur…
Si nous avions avec nous les camions avec la réserve d’explosifs et de munitions, nous pourrions tenir un bout de temps..
A bientôt pour la suite
MJR
Dernière édition par MJR le Mer 8 Juil 2015 - 8:12, édité 1 fois
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Localisation : STRASBOURG
Le Génie dans la campagne de 1939-1940 (suite)
Samedi 11 mai 1940 : 15h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Vers 15 heures, un bruit de moteur et un roulement sourd caractéristique se font entendre provenant de l’agglomération : ce doit être sans aucun doute une automitrailleuse. En effet, c’est un engin ennemi, une croix noire est peinte sur ²sur la tourelle ; il débouche des maisons et s’avance de quelques dizaines de mètres à découvert, puis fait demi-tour et disparaît.
…..
Les véhicules manœuvrent et se rangent à couvert en bonne direction pour le départ. Dumoulin fait monter deux F.M., Pavero et moi restons sur le remblai pour attendre le moment de faire sauter, tandis que les autres se tiennent prêts à démarrer.
Les minutes semblent interminables… Le ciel s’est rempli d’un bruit sourd et saccadé, encore lointain mais qui se rapproche.
Ce sont des avions. Un court instant nous espérons que ce seront les nôtres. Hélas ! ce sont des avion Allemands qui viennent de l’est dans notre direction. Ils sont maintenant une douzaine au-dessus de nous à tournoyé cherchant l’endroit sensible où ils devront frapper pour nous mettre en déroute. Ils ne paraissent pas décidés à bombarder, sûrement pour laisser intact la position qu’ils espèrent voir tomber aux mains des troupes terrestres. ………….
Soudain le sol tremble, une pétarade bien fournie nous informe que des engins blindés s’avancent ; bientôt le premier apparaît sur la route, suivi de plusieurs autres, le canon pointé vers nous ; selon toute vraisemblance, ils veulent enlever notre position. …..les hommes courent vers le remblai qui domine la route et la plaine d’une dizaine de mètres, d’où ils peuvent voir une file d’AMR et de chars légers, si semblables aux nôtres qu’on pourrait presque les confondre…
Que d’honneurs ! tout cela pour réduire les trois fusils mitrailleurs que nous possédons !
……… On entend le claquement des culasses des mousquetons que manœuvrent les hommes qui vont s’embusquer autour du convoi assez loin des fourneaux. Il n’est pas question de tenir devant tant de blindés, il faut faire sauter. Pavero m’a passé un morceau d’amadou fumant ; ensemble nous allumons les deux courtes mèches n’ayant guère plus de vingt-cinq centimètres ; deux petites traînées de fumée bleue s’élèvent, cela suffit à nous donner des ailes pour dévaler le remblai à une allure record au milieu des ronces.
A cent-cinquante mètres à peine, la formidable explosion nous culbute au fond du fossé qui borde la route. … Quelques hommes se sont déjà précipités vers la brèche où nous les rejoignons, car il est de notre devoir de constater les résultats.
Soudain, notre FM ouvre le feu sur quelques fantassins émergeant du remblai ; plusieurs roulent à terre, les autres doivent battre en retraite à une distance telle qu’ils ne peuvent plus utiliser leurs grenades. « C’est du bon boulot, y a pas à dire§ dit l’un de nous.
Il faut maintenant tenter de nous échapper, couverts sur nos arrières pour un long moment par cette destruction ; à gauche, par le remblai que nous surveillons pour éviter le retour des fantassins ennemis ; à droite par un bois fourni qui nous préserve d’une incursion blindés.
Le convoi se met en route d’une façon parfaite, il ne manque que ceux des camions de réserves qu’il a été impossible de joindre.
Tout pourrait aller à merveille, mais les Messer que nous croyions partis reviennent menaçants, dépassent largement la queue du convoi. L’un d’eux vire et revient en suivant notre axe de marche. En passant, il mitraille tant qu’il peut, sans résultat d’ailleurs, mais à dix mètres à peine de la route, le vieillard qui travaillait dans son champs vient de s’écrouler.
Le pied à fond sur l’accélérateur, nous fonçons de toute la puissance des moteurs sans espoir de lutter de vitesse puisque notre moyenne ne peut en ces terrains dépasser quarante-cinq kilomètres. …… Dumoulin a pris son poste de tir, il se cramponne après le FM et se tortille sur le côté de la chenillette pour suivre le monstre qui évolue au-dessus de nous. …..
Aux abords de Verdenne, le Messer revient pique et mitraille ; il est à peine à cent mètres… Soudain il paraît touché, son vol est mal assuré… Il en ait rien, il revient droit sur nous tenter de semer la panique dans notre colonne.
Mais tout le monde suit à bonne distance et c’est à cet ordre impeccable que nous devons de ne point être touchés.
Dumoulin tire sans arrêt, juste le temps de changer le chargeur qu’il a vidé tout entier. L’avion revient nous raser. Une longue colonne de fumée noire s’échappe de la carlingue, tandis que les moteurs ronflent par à coups…. Il s’abat dans les bois à l’est.
Le convoi a déjà dépassé Verdenne et roule vers Marenne, puis s’engage à gauche vers l’ouest dans un chemin de terre traversant un petit bois où les arbres offrent un bienveillant camouflage. ….
A peine arrivé dans le bois, nous rencontrons des AMR et des AMD amies ; quelques-unes vont nous convoyer jusqu’à Baillonville car les mauvaises rencontres sont à craindre dans ce secteur. En effet, derrière nous, à trois cents mètres, une AMR a cocardes entame une sérieuse explication avec une autre à croix noire.
A Baillonville nous nous quittons sans nous arrêter…
Nous gagnons Ciney par Heure, Nettine et Pessoux.
Samedi 11 mai 1940 : 19h30
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Vers 19h30, nous arrivons au QG à Ciney. ….
Samedi 11 mai 1940 : 22h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 22h00, seuls les hommes de guet et ceux de la DCA sont encore éveillés, les autres forment un véritable orphéon de ronfleurs… Soudain le ciel s’illumine d’éclairs fulgurants, scandés par les coups de départ et les explosions des obus de DCA….
Dimanche 12 mai 1940 : peu avant 12h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Un emplacement nous est assigné à Arbre, petit village au sud-ouest de Namur. Pour y parvenir, il faut emprunter les itinéraires détournés. Deux fois seulement, nous sommes repérés et copieusement mitraillés. Enfin c’est un succès que de réussir à se déplacer en plein jour sans trop attirer l’attention de l’ennemi qui fait dans les airs ce qu’il veut.
Nous sommes en bordure du bois, c’est ravissant ; de grande futaies nous offrent leur ombrage, un pavillon de chasse va servir de cantonnement… Une position d’artillerie située à 600 m subie un attaque aérienne et est réduite au silence.
Très loin à la jumelle, j’aperçois, sur la grande route qui descend vers la Meuse, une formation d’engins motorisés qui s’avance. Bientôt, j’ai la conviction qu’il s’agit d’une colonne ennemie. Presque au même instant, du petit bois où nous croyions nos camarades déchiquetés, le canon tonne, rapide, sec, précis. Il semble que les véhicules sont touchés en plein par chaque obus. L’ennemi est stupéfait et cherche à se replier. …. De nouveau les avions se ruent sur le petit bois…
Dimanche 12 mai 1940 : vers 15h30
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Enfin, vers 15h30, ils reprennent de la hauteur et se préparent à partir. Alors se déclenche de toutes parts un feu violent d’armes automatiques, puis le canon tonne à nouveau.
Deux avions tournoient et s’écrasent au sol… La conduite de l’artillerie force notre admiration. … la soirée s’achève sans autre incident.
La vallée de la Meuse toute proche répercute les roulements sourds des combats sur ses rives. Nous dînerons sans joie presque en silence.
Lundi 13 mai 1940 : aube
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Au petit jour, la plaine et les clairières s’enveloppent d’une buée douillette… Le jus fume dans les quarts… L’avion de reconnaissance que nous avons baptisé « Dudule » vient droit sur nous : ce salopard y voit comme un aigle, il tournoie juste au-dessus de nous, puis trace trois grands cercles de fumée blanche qui en se recoupant ont un peu l’allure d’un trèfle. Pas un souffle de vent ne vient disloquer ce dessin mortel annonciateur de bombardement…. Il nous reste trente minutes pour prendre nos dispositions… Un coup de sifflet strident, et aussitôt le grondement de toutes les machines qui démarrent et, bousculant buissons et arbrisseaux, cheminent à travers le bois en direction de Lesves……
Je roule à quelque distance d’un de nos gros camions aménagé en cuisine roulante, ce qui permet de préparer les repas même au cours des déplacements. Les cuistots endurcis continuent à éplucher flegmatiquement les légumes sans se soucier de l’aviation ni du bombardement.
Soudain, un énorme nuage de fumée surgit devant moi dans un fracas d’enfer et masque à ma vue le camion cuisine, tandis qu’une grêle d’éclats crible la Primaquatre. …. Nous descendons pour porter secours à nos malchanceux cuistots et, à notre surprise, nous les voyons sortir de dessous des débris des bâches et des percots ; ils sont quelque peu hébétés, mais indemnes…
A quelques centaines de mètres du village, nous rencontrons Laville dont la voiture est en panne ; il cherche un emplacement pour ses hommes et convient sans peine que ce n’est pas le bon. …. Nous ne parvenons pas à réaliser ce qui nous arrive et surtout pourquoi notre aviation n’intervient pas.
A quelque kilomètres, à l’ouest de Lesves, sans sortir du sous-bois, le convoi se regroupe…
Nous nous rendons à Fosses, gros bourg situé à quelques kilomètres, où se trouve l’état-major. A peine arrivé, l’aviation pilonne déjà la ville et, faute d’abris, nous nous mettons sous un tilleul avec Queverue…
L’école est transformée en bureaux pour l’état-major ; de nombreux officiers viennent aux ordres et nous serons navrés d’apprendre que bon nombre de nos amis n’y viendront plus. Queverue entre chez le chef d’état-major ; leur entretien sera court.
Au cours du bombardement l’ennemi a lancé de nombreux objets tels que briquets, paquets de cigarettes, porte-cigarettes qui ne sont que des traquenards explosant dès qu’on y touche. Il faut se mettre en campagne pour désarmer plusieurs de ces engins afin de connaître leur secret et détruire les autres en les faisant exploser……
L’ennemi a lancé une violente attaque et approche des bords de la Meuse d’où nos troupes, succombant sous le nombre, commencent à se replier en bon ordre. Bientôt notre division entrera de nouveau en action…..
Comme mes camarades j’ai reçu une mission,, avec la section : il faut se porter sur la Meuse en assurant notre défense et exécuter des destructions de grande importance.
Deux volontaires devront se présenter dans une heure pour exécuter un coup de main dès l’aube du lendemain.
Lundi 13 mai 1940 : nuit tombante. Meuse.
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A la nuit tombante nous faisons mouvement pour approcher du fleuve. Malgré qu’il fasse déjà très sombre, nous n’avions pas de peine à constater les dégâts et les obstructions causées par les précédents bombardements, nous dépassions quelques engins blindés amis allant vers leur emplacement de combat. ……
La Primaquatre a été bourrée d’explosif et d’amorces. Dumoulin a spécialement graissé le fusil-mitrailleur et le regarde avec une certaine tendresse. Troly a soigneusement contrôlé son amadou destiné à mettre le feu aux mèches….
Mardi 14 mai 1940 : 3h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Bien que nous n’ayons que peu de temps pour nous reposer, la nuit semble longue et c’est un soulagement lorsqu’à 3 heures, Troly, hirsute plus que jamais, fait un tapage d’enfer pour annoncer le jus en tapant avec son quart sur le bidon…
Après avoir passé Bioul et Annevoie-Rouillon, la route descend en lacets pour rejoindre la rive gauche de la Meuse ; nous nous y engageons en direction du sud vers Yvoir. Le fleuve est recouvert d’un épais nuage de brouillard au travers duquel le jour commence à peine à filtrer. C’est un temps idéal pour accomplir un coup de main ; tout est encore très calme.
A hauteur de Hun, nous arrêtons la voiture au ras de la maçonnerie de soutènement de la falaise, très élevée en cet endroit, où la Meuse y est encaissée entre de hautes murailles de calcaire blanc, surmontée de verdoyantes collines.
A quelques centaines de mètres, se trouve une écluse encore cachée par la rangée de maisons bordant le quai. Le matériel et les charges sont préparés à souhait. A une vingtaine de mètres l’un de l’autre, rasant les murs, ployant sous le faix, nous parvenons ainsi jusqu’à un jardinet, entre deux maisons, donnant accès directement sur le quai.
Jusqu’à présent tout va bien. Au bout du jardin une haie de fusains assez hauts. Tout est parfaitement tranquille ; nous ne pouvions croire que l’ennemi soit sur l’autre côté, car rien ne semble devoir l’empêcher de prendre pied sur notre rive, s’emparer des péniches de l’écluse et créer une tête de pont. Avant de pousser plus loin, nous déposons nos charges à l’angle de la maison et, précautions qui paraît inutile, nous mettons le FM en batterie. Le quai est désert ainsi que les maisons avoisinantes……
Peu à peu, au fur et à mesure que le soleil monte, le brouillard s’élève au-dessus de l’eau, laissant apparaître la rive opposée. Il faut faire vite pour s’aplatir sur le plat-bord de la péniche la plus rapprochée. Dès que nous ne sommes plus visibles, la fusillade s’arrête… si nous voulons en sortir il faut abandonner les charges d’explosifs.
Troly n’a pas les mêmes raisons que nous d’être pressé, il vise tranquillement l’endroit qu’il a repéré. Enfin il tire. D’un bond, nous voilà dans le jardin.
…….
Pendant plus de trente minutes, environnées du bourdonnement d’essaims en furie, nous restons blottis au ras des dernières marches, le dos courbé, la tête rentrée dans les épaules.
Lorsqu’ils nous croient tous morts, les tirs cessent et nous pouvons constater sur les murs en redressant la tête que, sur un mètre de haut et soixante-dix mètres de long, il n’y a pas dix centimètres d’intervalle entre les impacts de balles.
Il faut cependant en finir avec cette écluse et ces péniches, mais pour cela il faut parvenir jusqu’à elles, ce qui, en plein jour, parait impossible sous le feu ennemi.
Nous commencions à établir un nouveau plan lorsque les feux ennemis se déclenchent de plusieurs côtés à la fois ; de plus, l’aviation s’annonçait par un ronflement bien caractéristique. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, plusieurs avions nous survolent à basse altitude, nous gratifient au passage de quelques rafales de mitrailleuses. Il n’y avait plus moyen de tenir et il n’était cependant pas question de nous replier sans avoir accompli notre mission.
Tandis que nous parvenons à retourner sur la route en rasant les maisons, une idée me vient : il faut enfoncer la porte de la maison et pénétrer à l’intérieur. Ainsi protégés et dissimulés, nous perçons tranquillement un trou dans le volet de bis d’une fenêtre accédant sur le quai et l’écluse et introduisons par ce trou le canon du FM. Dumoulin ajuste une péniche pour que le tir soit exactement au-dessous de la ligne de flottaison. Les rafales partent sèches et rapides, l’eau gicle en écume blanche à plusieurs mètres de hauteur alors que nos balles perforantes ouvrent de larges brèches dans les coques métalliques et bientôt, nous voyons les péniches s’incliner lentement et prendre fortement de la bande. Sur la passerelle de l’écluse, un pétard de mélinite de vingt kilos est resté tout amorcé, l’amorçage tourné de notre côté ; il faut essayer de le faire sauter ; si une balle touche l’amorce, l’explosion se produira.
Dumoulin s’arc-boute pour rendre son tir plus juste, il appuie sur la détente. Enfin, une détonation formidable retentit et nous remue les entrailles. Les carreaux des fenêtres et les volets volent en éclats ; sous la violence de la déflagration, l’eau jaillit en trombe tandis que nous roulons sous la table et sous les fauteuils, les quatre fers en l’air ; nous sommes trempés comme si nous étions tombés dans la Meuse. J’ai le crâne qui bourdonne et comme prêt à éclater….
Maintenant, il faut repartir, nous sommes assez satisfaits.
Nous faisons rapidement virer la voiture, tandis que quelques avions nous mitraillent en pure perte. A bonne allure nous rejoignons Saint-Gérard par un mauvais chemin qui a l’avantage d’être sous couvert d’un bois dans lequel quelques blindés réparent leurs avaries et se préparent à reprendre le combat.
Peu après notre arrivée, le reste de la section rejoint également ; moins chanceux que nous (il y a deux manquants), ils ont néanmoins réussi dans leur entreprise. Nos camarades RDP et RAM occupent la ville depuis le matin. .. Dès mon arrivée, je vais au PC du colonel Grevy pour rendre compte et prendre des ordres. Je suis mis à la disposition du commandant Sonnery, commandant le 14e RDP.
Saint-Gérard est un nœud de communications routières très important et si l’on ne parvient pas à résister sur la Meuse, cette petite ville deviendra, quelques heures plus tard, le théâtre de durs combats. Nous conservons l’espoir tenace que la Meuse restera infranchissable. ….
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Vers 15 heures, un bruit de moteur et un roulement sourd caractéristique se font entendre provenant de l’agglomération : ce doit être sans aucun doute une automitrailleuse. En effet, c’est un engin ennemi, une croix noire est peinte sur ²sur la tourelle ; il débouche des maisons et s’avance de quelques dizaines de mètres à découvert, puis fait demi-tour et disparaît.
…..
Les véhicules manœuvrent et se rangent à couvert en bonne direction pour le départ. Dumoulin fait monter deux F.M., Pavero et moi restons sur le remblai pour attendre le moment de faire sauter, tandis que les autres se tiennent prêts à démarrer.
Les minutes semblent interminables… Le ciel s’est rempli d’un bruit sourd et saccadé, encore lointain mais qui se rapproche.
Ce sont des avions. Un court instant nous espérons que ce seront les nôtres. Hélas ! ce sont des avion Allemands qui viennent de l’est dans notre direction. Ils sont maintenant une douzaine au-dessus de nous à tournoyé cherchant l’endroit sensible où ils devront frapper pour nous mettre en déroute. Ils ne paraissent pas décidés à bombarder, sûrement pour laisser intact la position qu’ils espèrent voir tomber aux mains des troupes terrestres. ………….
Soudain le sol tremble, une pétarade bien fournie nous informe que des engins blindés s’avancent ; bientôt le premier apparaît sur la route, suivi de plusieurs autres, le canon pointé vers nous ; selon toute vraisemblance, ils veulent enlever notre position. …..les hommes courent vers le remblai qui domine la route et la plaine d’une dizaine de mètres, d’où ils peuvent voir une file d’AMR et de chars légers, si semblables aux nôtres qu’on pourrait presque les confondre…
Que d’honneurs ! tout cela pour réduire les trois fusils mitrailleurs que nous possédons !
……… On entend le claquement des culasses des mousquetons que manœuvrent les hommes qui vont s’embusquer autour du convoi assez loin des fourneaux. Il n’est pas question de tenir devant tant de blindés, il faut faire sauter. Pavero m’a passé un morceau d’amadou fumant ; ensemble nous allumons les deux courtes mèches n’ayant guère plus de vingt-cinq centimètres ; deux petites traînées de fumée bleue s’élèvent, cela suffit à nous donner des ailes pour dévaler le remblai à une allure record au milieu des ronces.
A cent-cinquante mètres à peine, la formidable explosion nous culbute au fond du fossé qui borde la route. … Quelques hommes se sont déjà précipités vers la brèche où nous les rejoignons, car il est de notre devoir de constater les résultats.
Soudain, notre FM ouvre le feu sur quelques fantassins émergeant du remblai ; plusieurs roulent à terre, les autres doivent battre en retraite à une distance telle qu’ils ne peuvent plus utiliser leurs grenades. « C’est du bon boulot, y a pas à dire§ dit l’un de nous.
Il faut maintenant tenter de nous échapper, couverts sur nos arrières pour un long moment par cette destruction ; à gauche, par le remblai que nous surveillons pour éviter le retour des fantassins ennemis ; à droite par un bois fourni qui nous préserve d’une incursion blindés.
Le convoi se met en route d’une façon parfaite, il ne manque que ceux des camions de réserves qu’il a été impossible de joindre.
Tout pourrait aller à merveille, mais les Messer que nous croyions partis reviennent menaçants, dépassent largement la queue du convoi. L’un d’eux vire et revient en suivant notre axe de marche. En passant, il mitraille tant qu’il peut, sans résultat d’ailleurs, mais à dix mètres à peine de la route, le vieillard qui travaillait dans son champs vient de s’écrouler.
Le pied à fond sur l’accélérateur, nous fonçons de toute la puissance des moteurs sans espoir de lutter de vitesse puisque notre moyenne ne peut en ces terrains dépasser quarante-cinq kilomètres. …… Dumoulin a pris son poste de tir, il se cramponne après le FM et se tortille sur le côté de la chenillette pour suivre le monstre qui évolue au-dessus de nous. …..
Aux abords de Verdenne, le Messer revient pique et mitraille ; il est à peine à cent mètres… Soudain il paraît touché, son vol est mal assuré… Il en ait rien, il revient droit sur nous tenter de semer la panique dans notre colonne.
Mais tout le monde suit à bonne distance et c’est à cet ordre impeccable que nous devons de ne point être touchés.
Dumoulin tire sans arrêt, juste le temps de changer le chargeur qu’il a vidé tout entier. L’avion revient nous raser. Une longue colonne de fumée noire s’échappe de la carlingue, tandis que les moteurs ronflent par à coups…. Il s’abat dans les bois à l’est.
Le convoi a déjà dépassé Verdenne et roule vers Marenne, puis s’engage à gauche vers l’ouest dans un chemin de terre traversant un petit bois où les arbres offrent un bienveillant camouflage. ….
A peine arrivé dans le bois, nous rencontrons des AMR et des AMD amies ; quelques-unes vont nous convoyer jusqu’à Baillonville car les mauvaises rencontres sont à craindre dans ce secteur. En effet, derrière nous, à trois cents mètres, une AMR a cocardes entame une sérieuse explication avec une autre à croix noire.
A Baillonville nous nous quittons sans nous arrêter…
Nous gagnons Ciney par Heure, Nettine et Pessoux.
Samedi 11 mai 1940 : 19h30
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Vers 19h30, nous arrivons au QG à Ciney. ….
Samedi 11 mai 1940 : 22h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A 22h00, seuls les hommes de guet et ceux de la DCA sont encore éveillés, les autres forment un véritable orphéon de ronfleurs… Soudain le ciel s’illumine d’éclairs fulgurants, scandés par les coups de départ et les explosions des obus de DCA….
Dimanche 12 mai 1940 : peu avant 12h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Un emplacement nous est assigné à Arbre, petit village au sud-ouest de Namur. Pour y parvenir, il faut emprunter les itinéraires détournés. Deux fois seulement, nous sommes repérés et copieusement mitraillés. Enfin c’est un succès que de réussir à se déplacer en plein jour sans trop attirer l’attention de l’ennemi qui fait dans les airs ce qu’il veut.
Nous sommes en bordure du bois, c’est ravissant ; de grande futaies nous offrent leur ombrage, un pavillon de chasse va servir de cantonnement… Une position d’artillerie située à 600 m subie un attaque aérienne et est réduite au silence.
Très loin à la jumelle, j’aperçois, sur la grande route qui descend vers la Meuse, une formation d’engins motorisés qui s’avance. Bientôt, j’ai la conviction qu’il s’agit d’une colonne ennemie. Presque au même instant, du petit bois où nous croyions nos camarades déchiquetés, le canon tonne, rapide, sec, précis. Il semble que les véhicules sont touchés en plein par chaque obus. L’ennemi est stupéfait et cherche à se replier. …. De nouveau les avions se ruent sur le petit bois…
Dimanche 12 mai 1940 : vers 15h30
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Enfin, vers 15h30, ils reprennent de la hauteur et se préparent à partir. Alors se déclenche de toutes parts un feu violent d’armes automatiques, puis le canon tonne à nouveau.
Deux avions tournoient et s’écrasent au sol… La conduite de l’artillerie force notre admiration. … la soirée s’achève sans autre incident.
La vallée de la Meuse toute proche répercute les roulements sourds des combats sur ses rives. Nous dînerons sans joie presque en silence.
Lundi 13 mai 1940 : aube
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Au petit jour, la plaine et les clairières s’enveloppent d’une buée douillette… Le jus fume dans les quarts… L’avion de reconnaissance que nous avons baptisé « Dudule » vient droit sur nous : ce salopard y voit comme un aigle, il tournoie juste au-dessus de nous, puis trace trois grands cercles de fumée blanche qui en se recoupant ont un peu l’allure d’un trèfle. Pas un souffle de vent ne vient disloquer ce dessin mortel annonciateur de bombardement…. Il nous reste trente minutes pour prendre nos dispositions… Un coup de sifflet strident, et aussitôt le grondement de toutes les machines qui démarrent et, bousculant buissons et arbrisseaux, cheminent à travers le bois en direction de Lesves……
Je roule à quelque distance d’un de nos gros camions aménagé en cuisine roulante, ce qui permet de préparer les repas même au cours des déplacements. Les cuistots endurcis continuent à éplucher flegmatiquement les légumes sans se soucier de l’aviation ni du bombardement.
Soudain, un énorme nuage de fumée surgit devant moi dans un fracas d’enfer et masque à ma vue le camion cuisine, tandis qu’une grêle d’éclats crible la Primaquatre. …. Nous descendons pour porter secours à nos malchanceux cuistots et, à notre surprise, nous les voyons sortir de dessous des débris des bâches et des percots ; ils sont quelque peu hébétés, mais indemnes…
A quelques centaines de mètres du village, nous rencontrons Laville dont la voiture est en panne ; il cherche un emplacement pour ses hommes et convient sans peine que ce n’est pas le bon. …. Nous ne parvenons pas à réaliser ce qui nous arrive et surtout pourquoi notre aviation n’intervient pas.
A quelque kilomètres, à l’ouest de Lesves, sans sortir du sous-bois, le convoi se regroupe…
Nous nous rendons à Fosses, gros bourg situé à quelques kilomètres, où se trouve l’état-major. A peine arrivé, l’aviation pilonne déjà la ville et, faute d’abris, nous nous mettons sous un tilleul avec Queverue…
L’école est transformée en bureaux pour l’état-major ; de nombreux officiers viennent aux ordres et nous serons navrés d’apprendre que bon nombre de nos amis n’y viendront plus. Queverue entre chez le chef d’état-major ; leur entretien sera court.
Au cours du bombardement l’ennemi a lancé de nombreux objets tels que briquets, paquets de cigarettes, porte-cigarettes qui ne sont que des traquenards explosant dès qu’on y touche. Il faut se mettre en campagne pour désarmer plusieurs de ces engins afin de connaître leur secret et détruire les autres en les faisant exploser……
L’ennemi a lancé une violente attaque et approche des bords de la Meuse d’où nos troupes, succombant sous le nombre, commencent à se replier en bon ordre. Bientôt notre division entrera de nouveau en action…..
Comme mes camarades j’ai reçu une mission,, avec la section : il faut se porter sur la Meuse en assurant notre défense et exécuter des destructions de grande importance.
Deux volontaires devront se présenter dans une heure pour exécuter un coup de main dès l’aube du lendemain.
Lundi 13 mai 1940 : nuit tombante. Meuse.
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
A la nuit tombante nous faisons mouvement pour approcher du fleuve. Malgré qu’il fasse déjà très sombre, nous n’avions pas de peine à constater les dégâts et les obstructions causées par les précédents bombardements, nous dépassions quelques engins blindés amis allant vers leur emplacement de combat. ……
La Primaquatre a été bourrée d’explosif et d’amorces. Dumoulin a spécialement graissé le fusil-mitrailleur et le regarde avec une certaine tendresse. Troly a soigneusement contrôlé son amadou destiné à mettre le feu aux mèches….
Mardi 14 mai 1940 : 3h00
2e Section de Kosak de la compagnie du génie 48-2.
Bien que nous n’ayons que peu de temps pour nous reposer, la nuit semble longue et c’est un soulagement lorsqu’à 3 heures, Troly, hirsute plus que jamais, fait un tapage d’enfer pour annoncer le jus en tapant avec son quart sur le bidon…
Après avoir passé Bioul et Annevoie-Rouillon, la route descend en lacets pour rejoindre la rive gauche de la Meuse ; nous nous y engageons en direction du sud vers Yvoir. Le fleuve est recouvert d’un épais nuage de brouillard au travers duquel le jour commence à peine à filtrer. C’est un temps idéal pour accomplir un coup de main ; tout est encore très calme.
A hauteur de Hun, nous arrêtons la voiture au ras de la maçonnerie de soutènement de la falaise, très élevée en cet endroit, où la Meuse y est encaissée entre de hautes murailles de calcaire blanc, surmontée de verdoyantes collines.
A quelques centaines de mètres, se trouve une écluse encore cachée par la rangée de maisons bordant le quai. Le matériel et les charges sont préparés à souhait. A une vingtaine de mètres l’un de l’autre, rasant les murs, ployant sous le faix, nous parvenons ainsi jusqu’à un jardinet, entre deux maisons, donnant accès directement sur le quai.
Jusqu’à présent tout va bien. Au bout du jardin une haie de fusains assez hauts. Tout est parfaitement tranquille ; nous ne pouvions croire que l’ennemi soit sur l’autre côté, car rien ne semble devoir l’empêcher de prendre pied sur notre rive, s’emparer des péniches de l’écluse et créer une tête de pont. Avant de pousser plus loin, nous déposons nos charges à l’angle de la maison et, précautions qui paraît inutile, nous mettons le FM en batterie. Le quai est désert ainsi que les maisons avoisinantes……
Peu à peu, au fur et à mesure que le soleil monte, le brouillard s’élève au-dessus de l’eau, laissant apparaître la rive opposée. Il faut faire vite pour s’aplatir sur le plat-bord de la péniche la plus rapprochée. Dès que nous ne sommes plus visibles, la fusillade s’arrête… si nous voulons en sortir il faut abandonner les charges d’explosifs.
Troly n’a pas les mêmes raisons que nous d’être pressé, il vise tranquillement l’endroit qu’il a repéré. Enfin il tire. D’un bond, nous voilà dans le jardin.
…….
Pendant plus de trente minutes, environnées du bourdonnement d’essaims en furie, nous restons blottis au ras des dernières marches, le dos courbé, la tête rentrée dans les épaules.
Lorsqu’ils nous croient tous morts, les tirs cessent et nous pouvons constater sur les murs en redressant la tête que, sur un mètre de haut et soixante-dix mètres de long, il n’y a pas dix centimètres d’intervalle entre les impacts de balles.
Il faut cependant en finir avec cette écluse et ces péniches, mais pour cela il faut parvenir jusqu’à elles, ce qui, en plein jour, parait impossible sous le feu ennemi.
Nous commencions à établir un nouveau plan lorsque les feux ennemis se déclenchent de plusieurs côtés à la fois ; de plus, l’aviation s’annonçait par un ronflement bien caractéristique. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, plusieurs avions nous survolent à basse altitude, nous gratifient au passage de quelques rafales de mitrailleuses. Il n’y avait plus moyen de tenir et il n’était cependant pas question de nous replier sans avoir accompli notre mission.
Tandis que nous parvenons à retourner sur la route en rasant les maisons, une idée me vient : il faut enfoncer la porte de la maison et pénétrer à l’intérieur. Ainsi protégés et dissimulés, nous perçons tranquillement un trou dans le volet de bis d’une fenêtre accédant sur le quai et l’écluse et introduisons par ce trou le canon du FM. Dumoulin ajuste une péniche pour que le tir soit exactement au-dessous de la ligne de flottaison. Les rafales partent sèches et rapides, l’eau gicle en écume blanche à plusieurs mètres de hauteur alors que nos balles perforantes ouvrent de larges brèches dans les coques métalliques et bientôt, nous voyons les péniches s’incliner lentement et prendre fortement de la bande. Sur la passerelle de l’écluse, un pétard de mélinite de vingt kilos est resté tout amorcé, l’amorçage tourné de notre côté ; il faut essayer de le faire sauter ; si une balle touche l’amorce, l’explosion se produira.
Dumoulin s’arc-boute pour rendre son tir plus juste, il appuie sur la détente. Enfin, une détonation formidable retentit et nous remue les entrailles. Les carreaux des fenêtres et les volets volent en éclats ; sous la violence de la déflagration, l’eau jaillit en trombe tandis que nous roulons sous la table et sous les fauteuils, les quatre fers en l’air ; nous sommes trempés comme si nous étions tombés dans la Meuse. J’ai le crâne qui bourdonne et comme prêt à éclater….
Maintenant, il faut repartir, nous sommes assez satisfaits.
Nous faisons rapidement virer la voiture, tandis que quelques avions nous mitraillent en pure perte. A bonne allure nous rejoignons Saint-Gérard par un mauvais chemin qui a l’avantage d’être sous couvert d’un bois dans lequel quelques blindés réparent leurs avaries et se préparent à reprendre le combat.
Peu après notre arrivée, le reste de la section rejoint également ; moins chanceux que nous (il y a deux manquants), ils ont néanmoins réussi dans leur entreprise. Nos camarades RDP et RAM occupent la ville depuis le matin. .. Dès mon arrivée, je vais au PC du colonel Grevy pour rendre compte et prendre des ordres. Je suis mis à la disposition du commandant Sonnery, commandant le 14e RDP.
Saint-Gérard est un nœud de communications routières très important et si l’on ne parvient pas à résister sur la Meuse, cette petite ville deviendra, quelques heures plus tard, le théâtre de durs combats. Nous conservons l’espoir tenace que la Meuse restera infranchissable. ….
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