Arme du Génie
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Message par adrien Mer 9 Déc 2015 - 5:18

50ème B G
                                                 Souvenirs d’A F N  
                               Période du 23/12/57 au 1/9/58
                                                         3ème Cie

Souvenirs de mon séjour au 50° B G, où mon parcours a été ordinaire. Ce que j’ai voulu faire ressortir dans cet exposé en trois parties, c’est la vision que j’ai pu avoir des différentes missions que j’ai eu à assurer en servant dans ce Bataillon du Génie, d’abord dans une Compagnie de Combat puis ensuite en Compagnie de Cdt et de Services à la section Equipement. Le Bataillon était intégré dans la 19° D I et nous faisions partie de ce qu’on appelait les troupes du quadrillage. Nos missions opérationnelles et de chantiers nous faisaient évoluer dans tous les secteurs de la Division et parmi les unités de toutes Armes  qui avaient chacune leurs qualités leurs  traditions leurs réputations parfois leurs insuffisances ou leurs arrogances vis-à-vis de notre Arme. En tant que Sapeurs nous étions là pour construire, ouvrir, aménager, parfois détruire mais toujours servir quel que soit l’ambiance tactique du moment et des lieux.
Retour d’Indochine j’ai été affecté au 5ème R G à Versailles qui, à cette époque, était comme tous les régiments de la métropole,  un grand centre d’instruction pour la formation des jeunes appelés en instance de départ pour l’A F N. Pendant 20 mois de 1955 à 1957,  en marge de mon affectation en compagnie d’instruction, j’ai pu obtenir mes brevets d’Arme 1er et 2ème degré et un 1er degré de spécialiste « Engins de T P à Angers.
La doctrine du Régiment à cette époque était de mettre en priorité l’instruction des S/officiers. La formation au régiment était suivie par le Cdt en Second et les demandes de stages n’étaient pas refusées. Ce n’était pas le cas dans tous les RGT de cette époque et des camarades rencontrés par ailleurs s’en plaignaient. J’avais 23 ans et j’étais Sgt Chef.
Mon propos est de,  à partir de mon parcours dans ce Bataillon de décrire la vie et l’ambiance  dans ce Bataillon du Génie Divisionnaire, d’abord en compagnie de Combat puis ensuite en compagnie des Services. Je le présenterais en trois parties : en premier les activités de la section en réserve de la compagnie, ensuite la vie sur un chantier en autonomie et enfin le reste de mon séjour après avoir été affecté à la 21° Cie.
C’est ma vision et ce sont mes réflexions personnelles sur certains aspects humains de cette période. J’ai tenu à faire ressortir les particularités des missions « Génie » de cette époque dans cette région avec leurs finalités malgré les contraintes tactiques qui étaient le lot de toutes les unités de toutes Armes.  Par exemple : les règles élémentaires de sureté dans une ambiance de Guérilla où l’ennemi peut survenir de toutes les directions sont : mobilité et réactivité. Hors pour ce qui concerne les chantiers la mobilité dépendait de l’avancement des travaux et de l’encombrement des engins employés. Le personnel affecté à la sureté rapprochée pouvait faire défaut sur le chantier. IL fallait faire un choix et, quand à la sureté à distance il était hors de question de  faire patrouilles et embuscades au niveau de la section et il fallait s’en remettre aux unités du secteur qui inspiraient confiance ou méfiance.
.Le 10/7/57, comme le dit la formule, je suis mis à disposition de la 10 ° R M alors que j’étais en stage Brevet 1er degré engin de Travaux Public.  Fin de Stage et permissions  prises j’embarque à Marseille le 21/12/1957, débarquement à Alger le 22/12/57. A bord du S/S Ville d’Oran nous nous retrouvons plusieurs S/Officiers de l’Arme et faisons connaissance. Dès notre arrivée  nous nous présentons au Commandement du Génie et nous nous  retrouvons à peu près tous affectés au 50eme Bataillon du Génie, dans le Constantinois, P C à Kérrata. Si mes souvenirs sont bons nous devions être 6 : 2 Adjudants, 1 Sgt Major, et 3 Sgt /Chef.
Déplacement Alger Sétif par Voie ferrée. Accueil à la gare par deux sapeurs et un G M C. Déjà le  bahutage commence. Les sapeurs se plaignent que leur véhicule n’a pas de freins. Un des adjudants qui est mécanicien (par la suite il sera affecté au 2 B du bataillon) inspecte le dessous du camion pour chercher les fuites. Décision de départ avant que l’on commence à démonter quelque chose. La route Sétif –Kérrata a un profil mouvementé, juste pour penser aux freins. A l’arrivée nous sommes évalués sur entretien et affectés .Nous étions la première relève significative en S/officiers depuis l’arrivée du Bataillon avec les rappelés. Le commandement du Bataillon était satisfait de notre niveau de qualification. 5 sur 6 d’entre nous avaient fait un séjour en Indochine, donc un certain acquit, qui se traduisait par, principalement, une appréhension permanente de l’environnement. En clair être toujours sur ses gardes. Par contre nous ne savions pas ce qui nous attendait en ce qui concernait les chantiers des compagnies. Je suis donc affecté à la 3ème Cie stationnée à EL MATTEN dans la vallée de la Soummam  entre AKBOU et BOUGIE. Les autres camarades sont partis pour les deux autres compagnies qui étaient stationnées, une à Bordj Bou Arreridj et l’autre, si mes souvenirs sont bons, à Lafayette. J’ai attendu le convoi de liaison de la compagnie pour rejoindre. En effet  dès le départ du P.C. on passait par les « gorges de Kérrata » réputées comme lieux à embuscades et surplombées sur presque toute la longueur. Les convois devaient être  bien armés et les véhicules civils ne passaient qu’encadrés par des A M de la gendarmerie. Sortie de ces lieux  la route longeait le bord de mer puis rejoignait la vallée où la circulation était presque normale. J’étais tout de suite dans l’ambiance.
Arrivée à la compagnie qui stationnait dans une ferme au milieu des orangers. Je fus bien reçu, un peu bahuté, mais gentiment. Un de mes camarades, arrivés en même temps que moi au Bataillon, mais dans une autre Cie a mis huit jours pour savoir qui était son commandant de Cie. Chaque matin après échange des galons ce n’était jamais le même.
La ferme où nous étions était à environ 1 Km de la route Nationale et en était séparée par la voie ferrée et par la rivière Soummam. Rivière à caractère torrentielle,  ce que j’allais me rendre compte peu après. Les propriétaires de la ferme, très importante, résidaient à Alger et l’exploitation était dirigée par un Gérant qui résidait sur place avec son épouse. Il  y avait de grandes surfaces cultivées de vigne et d’orangers.
Le P C de la compagnie avait  comme effectif : la section de Commandement plus une section allégée en personnel   qui assurait la protection des liaisons de la compagnie avec les chantiers ou avec le P C et  effectuait, sur demande du secteur, l’accompagnement Génie des opérations du secteur. Les autres sections réalisaient le ou les autres chantiers. Le domaine d’intervention de la Cie se situait dans la vallée et ses contreforts. D’un côté  après les crêtes c’était la Kabylie et de l’autre la petite Kabylie zone d’action du Bataillon. Nous étions la Compagnie du Génie la plus à l’ouest  du territoire de la 19éme  D I. Nos interventions opérationnelles et nos chantiers  ne dépassaient pas cette zone, à savoir la vallée de la Soummam, partant de Bougie et se terminant entre Akbou et  Maillot.
Coté Kabylie nous nous arrêtions au Col de Tirourda.
L’encadrement de la compagnie était assuré à mon arrivé par un lieutenant adjoint au Capitaine, 2 aspirant, un adjudant (qui sera remplacé par un adjudant –chef après son départ), deux Sgt/chef, deux sergents d’active et des Sgt du contingent.
A mon arrivée à cette compagnie, je ne savais pas encore que j’allais participer à son activité pendant 8 Mois, d’abord en tant qu’adjoint au Chef de section, puis en tant que Chef de Section. En effet je serai par la suite affecté à la 21° Cie, section équipement.
C’est ces 8 mois de  souvenirs que je voudrais évoquer. La vie quotidienne d’une section de Génie Combat dans différentes situations. D’abord en tant que section de protection du P C et opérationnelle du Secteur et ensuite dans un chantier fixe en assurant elle-même sa sécurité.
L’officier adjoint à la compagnie était un sous/lieutenant d’active, qui, si mes souvenirs sont bons, était de la promotion qui a été désigné pour l’AFN après seulement 6 mois  à Coetquidan. C’était un jeune officier  qui imposait par son allant et ses connaissances techniques. Il me sera de bons conseils quand je prendrais la Section car il  avait fait un chantier  avec  et avait pu se rendre compte des lacunes dans  les connaissances de base des sapeurs. Par la suite il sera remplacé en tant qu’adjoint à la compagnie  par un Lieutenant et prendra en charge les chantiers importants. Il y avait également un adjudant ancien à la compagnie, qui revenait de séjour à l’hôpital après un accident au déminage d’un piège, Il avait perdu la vue pour un œil et un doigt de la main.  Par la suite après un congé il reviendra à la compagnie, alors que je n’y serais plus, partira avec l’unité à la frontière tunisienne pour prolongement de la zone minée et il y perdra la vie dans la manipulation journellement répétitive qui consistait à armer les mines posées. Dans ce moment-là compte tenu de la loi des probabilités il peut en avoir une sur X qui explose. Je rends hommage à tous ceux qui ont participé à ces poses de mines.
Quelques jours après mon arrivée, gros dérèglement du temps et inondations catastrophiques dans la vallée. Routes détruites et encombrées par endroit, ponts routiers et ponts voie ferrée enlevés, endommagés, détruits. Aux abords de la ferme la rivière avait carrément changé de lit. A quelques centaines de mètres  à côté, les traverses de la voie ferrée étaient à la verticale.
Dans cette période la compagnie a eu une grosse activité de dégagement d’itinéraire. Destruction  de rochers amenés par les torrents, comblement d’entonnoirs, curage avec bull de lits d’oueds ....etc.
J’étais adjoint à un aspirant et l’ambiance de la section ne me plaisait pas. L’aspirant était le camarade que les sapeurs tutoyaient et la discipline dans la section était approximative. Le Capitaine Cdt de Cie m’a tranquillisé en me précisant que l’Aspirant allait partir en permission et que je prendrais la section de façon définitive.
De cette période j’ai quelques souvenirs marquants. D’abord beaucoup de mise en œuvre d’explosifs dans des conditions « hors mémento ». Nous avions en dotation les explosifs réglementaires, TNT et musettes de plastic. Parfois les doses devaient être minimes pour détruire morceaux par morceaux des rochers  ou autres obstacles sans faire de dégâts à la route ou à l’environnement. Donc forages suivant le fil du roc et< pétardements> par dose infimes. Plus tard dans cette période j’aurais à participer à l’exploitation d’une carrière des ponts et chaussées. Comme ils n’avaient plus le droit d’utiliser les explosifs ils foraient la carrière comme à leur habitude et après avoir été prévenus nous arrivions avec nos pétards de TNT pour  mettre notre dispositif en place.  Après avoir évalué mes charges  avec mon mémento, j’ai dû assurer moi-même la réalisation du dispositif de mise de feu car   je me suis aperçu que les sapeurs et en particulier les caporaux ne savaient plus relier les dérivations des cordeaux détonants. J’ai dû faire tout moi-même, en leurs montrant bien sûr. Le premier tir de la première semaine n’a pas été convaincant. Charges trop fortes, le mémento n’était pas à suivre aveuglément. Il fallait produire et ne pas détruire. Par la suite j’ai rectifié en conséquence et les caporaux savaient mettre en place le cordeau et ses dérivations. Il nous est arrivé également d’avoir à dégager des parois de piste à l’explosif. Là le terrain dans la région était la plupart du temps du Schiste « pourri ».Avec notre TNT les résultats étaient peu convaincants. Dans des interventions opérationnelles il arrivait parfois d’avoir à détruire des bâtiments abandonnés  dans des zones dites interdites. La méthode de la charge à chaque angle  ne donnait que 4 trous  à chaque angle compte tenu que la construction était faite de pierres et de mortier d’argile. Par contre l’effet de souffle provoqué par une musette de plastic disposé à environ 1 mètre du sol, à l’intérieur était très efficace. Ces travaux de destructions ce faisait dans  le cadre d’opérations de secteur après investissement de zones évacuées et  interdites. Il fallait faire très vite. Hors quand il y a explosion il y a projections. Avec l’expérience j’ arrivais à déterminer la direction de la  zone dangereuse et  ainsi éviter  d’aller très loin s’abriter avant le tir et pouvoir ainsi passer aux  autres préparations de mise à feux alors que les unités d’accompagnement nous harcelaient pour décrocher au plus vite avant la nuit. Je ne me souviens pas si j’utilisais la mise de feu électrique ou si j’employais la mèche lente. Enfin on avait des casques lourds.  Tous cela était évidemment hors » aide-mémoire et ma formation toute théorique ne pouvait que servir de base pour pouvoir prendre les bonnes initiatives.
Du 26 Janviers au 17 Février 1958 la section avant que l’Aspirant parte en permission a  effectué un chantier à Souk El Ténine, en amont d’un pont, à l’endroit de séparation de la route Bougie Mansouriah et de la route Bougie Sétif par Kérrata. Chantier consistant à l’élargissement du lit de l’Oued Agrioum après crue et gabionnage (la lettre de félicitation du Cdt du génie divisionnaire à la section, retrouvée dans mes archives cite : 5000 M3 de terrassement, 1200 M3 d’enrochement et de gabionnage, batardeau et digue de 110 m). Rien de difficile sur le plan technique, si ce n’est l’enlisement d’un H D 15 que l’on a pu dégagé avant la nuit. Chaque soir le chantier se repliait, matériel compris, sur le cantonnement d’une compagnie du 54° R I qui nous hébergeait. Elle assurait entre autre la sécurité du chantier. Le village de Souk El Ténine, la route et le chantier se trouvaient en bord de mer. Le terrain s’élevait  jusqu’à un massif boisé et inhabité. La compagnie du 54° R I stationnait dans des bâtiments  en dur au premier tiers de la pente. Chaque matin à l’aube une patrouille de la compagnie partait par un trajet à mi pente pour contrôler les hauteurs qui surplombaient notre chantier et nous, nous descendions au chantier avec nos engins.
Un matin  nous avons assisté au  déclenchement d’une grande opération de ratissage du massif surplombant le poste et la localité, avec l’appui de nombreuses unités du Secteur et des moyens aériens et d’artillerie. Nous avions été prévenus la veille afin d’en tenir compte pour notre sécurité. La compagnie du 54° RI quitte le poste en se déployant et nous nous apprêtons à descendre au chantier. A la première crête militaire, à quelques 800 M sous nos yeux  les fantassins sont cloués au sol par un feu nourri. Apparemment l’embuscade attendait la patrouille quotidienne. Le P C opérationnel, les  moyens< air> et l’artillerie n’étaient pas en place. Dans l’impossibilité de progresser sans s’exposer au tir direct,  le Cdt d’unité de la Cie réussit à contacter en Morse, à l’aide d’un miroir et le soleil levant un patrouilleur de la marine qui passait en bord de mer comme chaque matin. Liaison radio et tirs  de 88 qui débloque la situation. Les rebelles se replient vers les  sommets, les moyens opérationnels se mettent en place et toute la journée de notre chantier nous verrons les unités progresser et la ronde des T6 et Vampires .En fin de journée le bilan sera lourd pour le 54 ° R I  probablement en face du point dur. Deux soldats blessés à mort par balle dans la tête par un tireur surplombant. Les rebelles auront des pertes mais le gros passera de nuit le maillage.
Le 54° R I  était en renfort à la 19°D I. Il était originaire de Bordeaux et on  le surnommait le RGT à Chaban Delmas. A base d’appelés originaire d’Aquitaine et du Limousin il était bien encadré et  faisait honneur à son drapeau.
En tant qu’unités du génie divisionnaire  nos missions se situaient dans tout le territoire de la 19° D I. On se retrouvait voisin en chantiers ou adjoint en opérations à toutes les unités de la division. Certaines  inspiraient la confiance par leur efficacité et d’autres la méfiance  suite à leurs manières d’agir. Dans la vallée de la Soummam il y avait en plus des unités de services, des Bigors, des Marsouins, des Chasseurs, Alpins ou d’Afriques. La plupart des unités avaient une ou plusieurs Harkas qui doublaient l’effectif sur le terrain, excepté le Bataillon de Chasseurs Alpins stationné à Sidi Aich (ou El kseur) qui avait un Harki (pas deux) tellement leur zone d’action était sensible. Ce n’était pas une zone de pacification mais une zone de combat. C’était un bataillon qui faisait honneur à sa réputation et conservait les traditions. Au mess il fallait surveiller son langage pour éviter les mots interdits par  ces traditions. Tout l’effectif de  ces unités dites du « quadrillage » était à base  d’appelés du contingent excepté pour l’encadrement et quelques petits gradés chez les Troupe de Marine.
IL faut se rappeler le contexte avant 1959. Les appelés arrivaient en A F N conditionnés par l’attitude de  l’opinion publique, les médias et les incertitudes politiques en métropole. Ils arrivaient à Alger, sans grand enthousiasme il faut le dire, au milieu des pavillons français affichés partout, et se retrouvaient affectés dans différents endroits  plus ou moins dangereux à faire ce pourquoi on les avait formé. Là l’indécision n’était plus permise. La motivation était donnée par la solidarité avec les camarades, l’ascendant et l’exemple  donnés par l’encadrement  et quelque fois  aussi la fierté d’appartenir à des unités à traditions et réputation historique : » nous somme les meilleurs ». Si ce n’était pas le cas alors c’était des unités de qualité médiocre et là on risquait le « pépin »
Pour le génie c’était moins évident, mais il y avait quand même la spécialisation de l’action. Ce qu’on manipulait ou mettait en œuvre était pour les autres armes notre » truc « de spécialistes et il fallait être compétent. On n’était pas les c… du béton.
IL était quand même nécessaire de tenir compte du moral de la section qui déterminait le « tonus » de l’ensemble. J’ai un souvenir d’une mission opérationnelle,  en fin de secteur et en altitude. Le radio de la section arrivait à capter des sources lointaines compte tenu de la position de son poste. Là il nous apprend que le half-track du PC Compagnie venait d’avoir un accident et que le conducteur était décédé. Le véhicule armé par du personnel de la section de Cdt était en protection d’un bulldozer qui dégageait une piste sinueuse et en altitude. Dans un virage à droite le conducteur s’est déporté au maximum vers l’extérieur pour dégager l’angle de tir de la 12,7 mais le bas-côté s’est effondré et le blindé a dévalé la pente. Le Sgt fourrier qui servait la mitrailleuse a été éjecté et en est ressorti indemne mais le conducteur est décédé dans la chute.  IL était mécanicien à l’atelier de la compagnie, brave garçon, connu et estimé de tous. Après cette nouvelle le moral de la section n’était pas au mieux. Quoi dire et quoi faire ? Nous étions loin de la Compagnie et il ne me restait plus qu’à faire reprendre sans brusquer le rythme des activités  pour éviter les apartés démoralisateurs.
Après 1958 il y a eu entre autre  la création dans chaque secteur d’équipe »grotte ». C’était l’affaire du génie et de l’artillerie des troupes de quadrillage. Pour le bataillon elle dépendait de la Cie de Cdt. Elle partait sur demande d’un secteur pour investir, neutraliser, fouiller, condamner avec du « répulsif » des caches souterraines. C’était vraiment particulier comme travail. Surtout pour le dernier qui terminait avec le masque à gaz et  le risque de manquer la sortie. IL ne fallait pas être claustrophobe. Et pourtant, à part l’encadrement, c’était des appelés du contingent qui avait en plus une autre activité, hors mission, à la compagnie. L’officier qui commandait  notre équipe du bataillon était un S/Lieutenant appelé du contingent. Le sapeur qui faisait fonction de coiffeur à la compagnie  partait en mission avec d’autres et il lui était arrivé de descendre au bout d’une corde dans une cache. Naturellement ce n’était pas lui qui en parlait, il était plutôt du genre muet contrairement aux coiffeurs professionnels.  Mais cela c’était après  1958 et la  mise en place d’une autre stratégie où tout le monde devait être sur le terrain d’une autre façon.

Donc comme prévu  dès que j’ai eu la responsabilité de la Section j’ai pu agir pour en faire un ensemble efficace, autant que cela se pouvait. L’effectif ne dépassait pas 20 sapeurs et petits gradés. Suivant les missions j’avais un ou deux sergents adjoints. Le recrutement du Bataillon et de la division était originaire de l’OUEST. C’était de bonnes recrues qui étaient là contre leur gré comme tous ceux du contingent mais qui accomplissaient leur devoir comme il leurs était demandé. Les S/officiers et les caporaux étaient de confiance. Il y avait bien quelques éléments démoralisateurs mais il fallait faire avec. Le travail au chantier ou l’attitude dans des situations difficiles est une action collective de la Section. Chacun  avait  un poste à tenir, une arme à servir ou un matériel à conduire. Ce qui restait à améliorer c’est les connaissances techniques de base du Sapeur et surtout  les connaissances du service des armes collectives en dotation. Pendant les périodes où la section était en réserve au P C compagnie en dehors des missions opérationnelles, on assurait la protection des convois de liaison et d’approvisionnement  des chantiers.  L’half- track  armé de la 12,7 en tête de convoi, une escouade de sapeurs, à savoir une équipe et une pièce armée du F M  à bord d’un véhicule découvert (en général le Chevrolet de la compagnie) en milieu de convoi et ensuite en fin de convoi le G M C  cargo de la section qui était blindé et équipé de la mitrailleuse 30 de la section. Les sapeurs de la section non inclus dans l’escouade de protection  prenaient place pour servir et entourer  les 2 mitrailleuses dans les  véhicules qui en étaient armés.  Les convois pouvaient être importants si on avait un renfort de véhicules du train pour transporter le ciment ou autres matériaux. Le capitaine ou l’officier adjoint organisait et commandait  le convoi et pour ma part j’avais la responsabilité de la protection. Je me tenais dans le véhicule qui transportait l’escouade de protection.  Ma hantise, c’était le manque de réaction en cas d’arrêt du convoi suite à embuscade. Dès qu’on entrait dans une zone à problèmes, je montais à l’arrière du camion  avec l’escouade de sapeurs de façon à être au milieu d’eux au cas où il aurait fallu sauter à terre. Dans l’embuscade classique le convoi est immobilisé dès les premiers tirs adverses et l’élément mobile doit pouvoir se déplacer le long du convoi et réagir. Le sergent qui m’était adjoint se trouvait dans l’half track et  un autre gradé, suivant l’effectif, était à bord du G M C équipé de la 30.
Les tireurs et servants des armes automatiques se sont tous entrainé au service de leurs armes. Montage, démontage et réglage de façon que le tireur puisse être remplacé sur le champ en cas de blessure.  Avec autorisation du Capitaine  j’organisai des séances de tir dans les environs de la ferme dans des endroits déserts et encaissés. Le fusil lance grenade de la section avait encore une dotation de grenades américaines arrivées avec la division (qui sortait des stocks MOB) et le titulaire de l’arme ne savait pas s’en servir, donc formation.
Dans la période où nous étions en réserve au P C compagnie  la section a été désignée comme élément Génie  dans une opération de nettoyage d’un secteur situé au Nord d’Akbou, environs du col de Chélata. C’était deux régiments de Parachutistes, de réserve générale, venant d’Alger qui effectuait ce grand ratissage. La  Cie Génie Para était occupée par ailleurs et ils avaient demandé au secteur un élément Génie. En fait c’était surtout pour du rétablissement d’itinéraire.IL y avait quelques Kms d’ex routes départementales qui, dans cette zone abandonnée et interdite, avaient été défoncées et minée. Donc pendant que les parachutistes  ratissaient et accrochaient dans les hauteurs la section recherchait les mines et pièges, comblait les « touches de piano ». La recherche de mines était fastidieuse car il y avait beaucoup de buses  d’évacuation d’eau qui faisait « chanter » le détecteur. Les renseignements que j’avais signalaient les probabilités de mines anciennes et effectivement on a aperçu une anomalie dans  la chaussée qui ne ressemblait pas du tout à quelque chose de dangereux. Par précaution un petit morceau de plastic, un détonateur sur cet objet encastré dans le sol durci et on se retrouve avec un bel entonnoir, c’était bien une mine.   Pour notre protection nous avions un peloton de chasseurs d’Afrique qui venait me semble-t-il du secteur de Maillot. Encore une nouvelles expérience pour moi de travailler dans ce contexte. Alors qu’on remontait vers le col de Chélata  en rétablissant et  déminant la route  le S/lieutenant des Chasseurs reçoit l’ordre du P C opération de rester au col pour la nuit en bivouac avec nous évidemment. Le S/lieutenant  me prend dans sa jeep en me disant on va chercher un passage pour bivouaquer plus haut (sur le col Géographique qui surplombe la route de quelques centaines de mètres). Là j’ai été impressionné par  la manière de faire des Cavaliers. On essaye donc de » grimper » les talus avec la jeep jusqu'à refus. Au troisième essai c’était bon. Mais je me faisais du souci pour mon compresseur Leroy. Pour l’H D 15 pas de problème. Je n’aurais jamais pensé que l’on puisse monter des véhicules par cette pente. C’est là où j’ai vu en application la maxime des cavaliers : < là où le cheval passe la véhicule à roue doit passer>. Enfin on y est arrivé, on a bivouaqué, et le lendemain matin on est redescendu vers le P C. Quelques jours après, en fin de journée,  sur ordre du P C je suis allé détruire, avec une petite équipe de sapeurs, sur la carcasse d’un T 6 qui était écrasé à terre,  une mitrailleuse 12,7.On a été héliporté sur le soir, sur les lieux il y avait une compagnie de paras qui nous pressaient  parce que la nuit tombait. Ce n’était pas évident à faire. Mettre du plastic dans la culasse pas de problème mais ensuite il fallait se protéger des éclats et autres morceaux de ferraille qui était projetés.  La nuit tombait, la zone de projection des éclats  était difficile à déterminer, l’appareil avait percuté le sol dans une zone boisée, au milieu de taillis. (Le pilote après s’être accroché avec un hélicoptère avait pu sauter en parachute. Quant à l’hélicoptère qui transportait un élément de commandement d’un commando de l’air il s’était écrasé et avait brulé au sol. L’appareil qui nous avait amené a ramené les corps au retour. (Pas de commentaire.) Nous avons réussi à mettre hors état de fonctionnement la mitrailleuse et les munitions. Nous avons rejoint le bivouac de la compagnie de paras et nous avons passé la nuit parmi eux. Au contact de ces jeunes appelés j’ai réalisé que compte tenu de ce qu’ils vivaient  et de ce qu’on leurs demandait ils donnaient l’impression d’être plus vieux que leur âge.  Pas de plaintes et pas de vantardises. Ils avaient tous vu  un des leurs blessés ou tués (principalement les gradés qui s’exposaient pour donner l’exemple). Normalement en tant que compagnie d’appelés dans les bouclages les points durs étaient réservés à la compagnie d’engagés mais souvent l’ennemi se trouvaient là où il n’aurait pas dû être.
Comme notre halte de nuit n’était pas prévue, on se trouvait sans ration et gentiment tous ont donné un peu quelque chose de leurs boites de rations pour assurer notre ordinaire. Le lendemain retour au P C et reprise de la mission de rétablissement d’itinéraire
Pendant toute cette période l’alimentation était à base de rations collectives. Très bien composées mais au bout de quelques jours et malgré l’attribution, en plus, de pain ce n’était pas le festin. Je me souviens qu’au cours de la progression de l’opération plusieurs unités ont passé à côté d’un champ d’oignons. En quelques heures il n’en n’a  plus resté un. C’était le complément idéal pour les conserves.
Au cours  de la progression nous nous sommes retrouvés à bivouaquer  dans un village  avec une compagnie de parachutistes. On nous a fait profiter généreusement de la viande d’un âne, trouvé et abattu rapidement. Quelques morceaux cuits dans une poêle de récupération  complétaient bien les repas. En fait on allait apprendre par la suite l’origine de cette bête. Elle avait été trouvée par la compagnie d’engagés du régiment. Les appelés de la compagnie que l’on accompagnait leurs avaient volé l’âne et tout de suite l’avaient tué, dépecé, distribué avant que les engagés se rendent compte de sa disparition. Et ensuite c’était la crainte des représailles de la part de la compagnie des engagés et il en avait vraiment la peur.
En côtoyant ces unités je me suis aperçu  que  les anciens qui avaient tous fait l’Indochine reconnaissaient l’importance  du génie dans toutes opérations. Un adjudant parachutiste de la  « colo » m’a confié qu’il connaissait le  boulevard de la 73/2. J’exagère à peine en disant que la plupart des S/officiers ancien n’attendaient plus comme décoration que  la Légion d’Honneur et les officiers la Médaille Militaire
Autre souvenir : Après avoir tracé au Bull une piste de combat à travers un verger de figuiers, alors que le propriétaire me suppliait d’épargner ses plus beaux arbres (ce que je faisais dans la mesure du possible), j’ai reçu l’ordre de descendre vers le P.C. en rétablissant l’itinéraire endommagé par des tranchés.
A notre arrivée au P C  le conducteur d’un de mes G M C se plaint que son moteur a des ratés. Aussitôt je le dirige vers l’antenne du Matériel qui accompagnait l’opération. Le Sgt Chef de l’Antenne le prend en charge de suite et met un mécanicien sur la panne. Alors que J’attendais aux abords de l’atelier il vient me voir et me dit < ton G M C ce n’est pas les bougies c’est une remonté d’huile et il faut échanger le moteur. J’en ai un d’avance, laisses le-moi  48H  et je  mets un autre moteur>. Echange radio avec la compagnie et le Capitaine me répond <laissez-lui le camion et je vous en envoie un autre de suite>. En effet la compagnie dépendait de l’E R M de Bougie et l’échange d’un moteur demandait au moins 3 semaines de délais.
C’est dans ce moment-là que l’on se rendait compte de la richesse en moyens des unités de réserve générale et le rationnement des unités du quadrillage.
Quand l’opération s’est terminée la section a regagné le P C compagnie pour reprendre ses activités habituelles.
Dans la période <après inondation>, une compagnie  Chemin de Fer du 19ème Génie, se déplaçant dans un train <cantonnement, atelier>, est venu stationner dans notre secteur, en gare de Sidi Aich. A son contact, au cours de déplacement j’ai retrouvé des camarades du 5° Génie que j’avais laissés à Versailles. Cette Compagnie a réalisé dans cette portion de voie de gros travaux pendant plusieurs mois pour rétablir la ligne. La crue avait mis à la verticale des kms de voies, les ponts avaient été détruits ou déplacés.
Un pont routier qui traversait la Soummam entre Sidi Aich et Akbou avait été emporté. Notre Compagnie avait été contactée pour le franchissement de la coupure. Le Capitaine demandait à ce que les Ponts et Chaussées reconstruisent les culées pour lancer un Bailey, donc délais. Le Commandement Génie Chemin de Fer s’est proposé  et, en battant des pilots, a effectué le franchissement de la coupure plus rapidement. (Voir photos).
Les travaux de repose des rails et traverses étaient réalisés parfois par  la compagnie de chemin de fer dans des zones peu sures. En effet la vallée où passait la voie était un lieu de passage  pour les rebelles qui passaient d’un massif à l’autre. Donc méfiance. En fait arrivée au chantier, formation des faisceaux, sentinelles, et le maximum de sapeurs au chantier, ce qui inquiétait fortement les unités du secteur.

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Message par Admin Mer 9 Déc 2015 - 6:30

Merci "adrien" pour ce récit fort intéressant, j'ai un grand respect pour ce que vous, nos anciens, avez fait et vécu. En couchant ici un morceau d'histoire, c'est un peu de mémoire qui reste, et c'est important de garder ça et de nous le transmettre.

Si tu est d'accord,je pense inclure dans ce sujet les images que tu as mises ailleurs, et si tu dois déposer d'autres textes ou images sur ce sujet, je pense qu'il vaut mieux les mettre à la suite, non?

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Message par KRAL DOMINIQUE Mer 9 Déc 2015 - 22:22

Merci Adrien pour ce témoignage ,dynamique et bien rédigé ; je suis épaté par ta mémoire et la précision du récit .Franchement ,ce recit résume quasiment toutes les missions du Génie de l'époque en Algérie et atteste que les Sapeurs furent non seulement des spécialistes mais aussi des combattants .Tout ce que tu narres ,pourrait être illustré ou presque par des images que j'ai recueillies du 65 ème BG et postées sur ce forum.De plus les lieux que tu cites ne me sont pas étrangers car mon beau-père ancien de l'ALAT qui fut basé à SETIF à la même époque m'en a parlé .Super vraiment un grand merci à toi .
Cordialement
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