MES 383 JOURS AU 5° R.M.P. 1964
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Arme du Génie :: LE GÉNIE ATYPIQUE & SAVOIR FAIRE SPECIFIQUES! :: LE GÉNIE DES ILES & DES AUTRES CONTINENTS
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MES 383 JOURS AU 5° R.M.P. 1964
Mes 383 jours au 5°R.M.P
du 9 /11/1963 au 27/11/1964
Ce texte est la chronique de mon séjour. Je ne parle que de ce que j’ai vécu et vu. Ce sont mes souvenirs, mes photos et les dates proviennent de mon dossier de service. C’étaient les premiers mois d’existence du C E P et je pense que cela fait contraste avec la grosse machine qu’a du devenir le C.E.P.
1°Désignation
J’étais au 15° Génie de l’air à Toul quand ma désignation est arrivée. Embarquement par voie aérienne civile le 8 /11/1963. Escale à Los Angeles et arrivée à Papeete le 9/11/1963 .Avant mon départ, étant affecté au service de stockage (gestion des matériels en réserve) du 15° j’avais inventorié, complété, les lots d’outillages et notamment des camions ateliers qui partaient avec le détachement du Génie de l’air pour Mururoa sans savoir que j’allais les suivre. Tout devait être complet et en état de marche et l’officier mécanicien du détachement était exigeant à juste raison.
A l’embarquement à Paris nous étions plusieurs sous/officiers à rejoindre le C.E.P notamment plusieurs « Génie », du service de santé (2 infirmiers manipulateurs radio et anesthésie) et du S.E.A (1 spécialiste réservoir).
Nous sommes arrivés au Camp D’Arué en pleine pénurie de logement, en effet les tentes Fillod métalliques complémentaires n’étaient pas arrivées au port, ce qui allait retarder par la suite l’acheminement des renforts en appelés du contingent pour une compagnie de travaux « Génie ». Nous avons pu profiter des dernières places en fillods mais ceux arrivés par les avions suivants ont étés logés sous tentes Pour ce qui nous concernait (3 adjudants du Génie) nous avons été affecté provisoirement à différents postes de chantier au camp D’Arué. On m’a attribué un petit chantier de réalisation d’une ligne busée et enterrée d’écoulement d’eau usée avec 3 sapeurs et une pelle mécanique dans le camp . Les deux autres camarades ont été vite affecté également (un était spécialisé charpente menuiserie l’autre chantier)
Le camp D’Arué :
A ce moment là le camp se trouvait à l’aplomb des premières pentes en bordure de la route qui faisait le tour de l’ile mais une réserve de terrain où il y avait des chevaux en pâture et une cocoteraie nous séparaient de la route. . IL y avait une source à gros débit qui sortait de terre au bas de la pente des premières collines. Quelques fossés drainaient le terrain et des légionnaires y péchaient de grosses anguilles qu’ils nous vendaient et que le Mess nous cuisinait .Le camp bâti était constitué de tentes Fillod Métalliques bien alignées. Le réseau d’évacuation des eaux de pluie était en construction. Les feuillées étaient de « campagne » en attendant la mise en service d’un énorme « bunker » W.C (multiples)-fosse septiques. Ces feuillées étaient, comme le veut le règlement en campagne’ déplacées tous les deux ou trois jours. Quand les personnels qui travaillaient à l’extérieur du camp rentraient la nuit était tombée. Alors on voyait des silhouettes armée d’une lampe qui erraient dans le camp avec pour mot d’ordre « tu sais où sont les feuillées ».
Une section de légionnaires creusait, coffrait, coulait des caniveaux profonds et étroits entre les averses de la saison des pluies pour évacuer les eaux de pluie qui tombaient dru. Le foyer était sous un hangar métallique. Le mess était dans une construction style locale. Le comptoir du bar était décoré avec des bambous fendus. Ces bambous avaient été coupés, avec l’autorisation des chefs de village, dans les bambouseraies voisines et utilisés aussitôt. Ce que personne n’avait dit c’est qu’il fallait avant utilisation les laisser tremper dans l’eau de mer un certain temps. Résultats : L’avant du comptoir est parti en poussière après quelques mois et a du être refait.
La cuisine tenue par la Marine fonctionnait sous un hangar sans paroi et le Régiment construisait un bâtiment en dur pour l’abriter avec l’aide technique des travaux du génie. Les chambres de S/officier étaient en cours de construction par une entreprise civile et allaient être bientôt mis à disposition. L’E M du Régiment était également sous la tente ainsi que les P.C. des compagnies. L’infirmerie –hôpital du CEP se trouvait à l’entrée du camp prés de la route dans de grands bâtiments démontables qui venaient de Reggane Le poste de police à l’entrée de la zone régimentaire .Quelques arbres rescapés des travaux existaient encore ce qui fait que de temps en temps des noix de Coco pouvaient tomber la nuit sur le toit des » fillods » et déclencher une avalanche de jurons de la part des occupants réveillés.
La vie au camp :
Toute les activités se trouvaient à l’extérieur du camps à l’exception des travaux d’aménagements intérieurs. Le matin tous rejoignaient soit l’état Major du C.E.P à Papeete soit des ateliers ou chantiers extérieurs et le soir tous rentraient et le camp s’animait. Le mess et le foyer se remplissaient, il y avait souvent des projections de films en plein air, chacun amenait sa chaise et la plupart repartaient très vite car les films, américains de séries B et C, étaient d’un intérêt moins que moyen. Chaque semaine arrivaient de nouveaux personnels de toutes armes affectés à d’autres services notamment à l’état major du C.E.P.
Personnellement j’ai été affecté à l’E.M du bataillon de travaux et je comptabilisais les matériels et outillages de chantier et gérais l’approvisionnement du petit dépôt de carburant et de lubrifiants du bataillon. Je me recomplétais au dépôt civil Shell à Papeete Pour me seconder on m’avait adjoint un C/C et un légionnaire.
Les sections de Travaux étaient dotées de lot d’outillage « génie ».Quand j’ai voulu régulariser et recompléter les quelques manquants je me suis trouvé devant des difficultés insolites ; Pour Nous sapeurs l’outillage est là pour servir, il s’use, se casse, se perd et les lots d’outillages doivent être souvent mis à niveaux. D’abord on a mis quelques mois à savoir quelle comptabilité l’on appliquerait. Dans la Marine on ne perd pas et on paye les manquants. Décision a été prise « on applique la compta matière de l’armée de terre ». Ensuite autre problème, dans la Légion si on perd on est puni. Alors les chefs de sections ont fermé à cadenas les lots d’outillages et pour travailler « tu es légionnaire et bien dém….. Toi » IL ne me restait plus qu’à imaginer des situations extraordinaires pour justifier les pertes.
2°) Le matériel :
Au début c’était un peu disparate. En ce qui concerne les gros engins de chantier je n’ai pas de souvenirs. Pour les plus petits matériels il y avait ce qu’avait apporté le 5ème R E I en venant de Mers el Kébir et d’autres mis en place pour le CEP et venant de Métropole. Par exemple, pour les groupes électrogènes il n’y avait que les groupes avec moteur Bernard 5 KWA apportés par le Régiment. A Hao au début de la mise en place du détachement les congélateurs étaient alimentés par une batterie de groupe Bernard 5 KWA qui étaient arrêtés à tour de rôle pour l’entretien. Par la suite il est arrivé des groupes Diesel Air de 15 KWA. L’atelier bois à Papeete a été installé au parc avec des remorques menuiserie fabrication Allemande venant des FFA. Tout les machines du lot étaient en caisse et tenaient dans une remorque une tonne, l’énergie était fournie par un groupe électrogène (composant du lot) à moteur de moto (Sach je crois). C’était de la fabrication » après guerre « toute les fils de ce groupe étaient rigides et avec la trépidation du moteur ils se désolidarisaient rapidement et étaient cause de pannes fréquente. La situation est devenue normale après l’arrivée des Diesels Air 15 KW
Les bétonnières Richier étaient du modèle déjà connu en Algérie, à savoir hautes. Ces mêmes « engins « ont équipé entre autre, les petits chantiers de stations Météo sur des iles lointaines. Pour certaines, en l’absence de passe pour entrer dans le lagon il fallait passer le récif corallien avec la vague sur deux chaloupes (ou pirogues) couplées et pontées et conduites par des habitants de l’atoll. A ma connaissance rien ne s’est perdu.
Le CEP a été doté au départ de propulseurs qui devaient venir des entrepôts du Génie. Ces propulseurs n’étaient pas complètement protégés et dès que le clapotis était trop fort l’eau de mer noyait l’allumage. IL y avait également des flotteurs Zodiac dont les particularités des cloisons étanches étaient mal connues des utilisateurs occasionnels. Je me rappelle qu’un A/C du génie est resté, à Hao, plusieurs heures au milieu du lagon attendant les secours. IL était parti sur le lagon avec un zodiac faire un relevé topographique au bout de l’atoll. Son propulseur est tombé en panne, un compartiment du bateau se dégonflait et personne, à terre ne remarquait ses signaux. IL a finalement été récupéré à midi mais il n’était pas de bonne humeur.
3°) les chantiers
A mon arrivée il n’y avait qu’un chantier : à Mururoa qui était, bien avancé, l’infra par le RMP et la piste d’aviation par le Génie de l’air. Ensuite il y a eu celui de Mangaréva et enfin Hao. Pour ce dernier j’ai été chargé d’établir la liste de colisage pour les matériels et véhicules du bataillon (volumes, poids) puis au port de trier les véhicules avec leur chargement, aux ordres de l’officier du bord responsable de l’emplacement et de l’arrimage suivant leurs volumes et leurs masses. A la fin le bâtiment (aviso colonial basé à Papeeete, ancien yacht de Mussolini) était trop chargé et le canon qui se trouvait sur le pont a été déposé sur le quai.
Chaque service du CEP présentait à l’embarquement ce qui les concernait(S E A, Travaux du Génie, service de santé. Compte tenu des distances et des délais d’acheminement il ne devait rien manquer
Dans l’appro. Du premier voyage il avait été prévu des briques réfractaires pour construire le four du boulanger qui a été effectivement réalisé en plein air par un camarade S /officier du Génie et le 3ème jour l’Aviso repartait et la boulangerie fonctionnait.
Le 24 08 1964 je suis allé en mission à HAO .Nous étions plusieurs passagers (nouveaux affectés, cadres en mission, renforts …etc.) à bord d’un hydravion civil affrété par le CEP. Nous avons amerri dans le lagon : petites ondulations mais coups sourds sur les flotteurs, c’est assez impressionnant.
Le détachement du RG était sous la tente. Le mess était en construction, les réservoirs du SEA en cours de montage, la centrale à eau douce était en caisse sur la plage, la réserve d’eau douce amenée par les bateaux était stockée dans des réservoirs souples déposés sur la plage, les remorques spécialisées du service de santé (chirurgie, radio, dentistes) étaient en place et fonctionnaient, l’atoll était encore coupée en deux par une avancée de la mer coté opposé au village. C’est là que les Grands travaux de Marseille (il me semble) devaient construire une piste pour gros porteurs, le camion laboratoire des sols était déjà en place. Il y avait un bateau en cours de déchargement. Il stationnait au milieu du lagon et des petits pontons motorisés de la marine faisaient la navette pour amener les matériels et matériaux à terre. Mais le temps a changé, le lagon est devenu trop agité et le transbordement a du être arrêté. Donc arrêt et mise en sureté des matériels de transbordement. Mais le lagon s’agite fort et cela en rien de temps devient périlleux. Un des petits pontons est resté amarré à 20 m de la plage avec le pilote à bord qui a du attendre le matin pour regagner la plage. J’ai vu le Second Maitre responsable du transbordement en accostant à l’embarcadère disparaitre entre le quai et son embarcation puis ressurgir poussé par la vague et attraper le quai in extrémis et tout cela parce que, vu l’état de la mer, qui se répercutait sur le lagon le transbordement aurait du s’arrêter ½ H plus tôt.
L’hydravion devait venir nous reprendre le 31 /8 mais compte tenu de l’agitation des eaux du lagon l’amerrissage n’était pas possible. Donc report à plus tard. Mais le 29 (ou le 30 je ne suis pas sur) au soir un légionnaire est percuté par une Jeep conduite frauduleusement par un de ses camarades. Grave blessure au niveau de la tête et intervention chirurgicale sur place. L’évacuation sanitaire est demandée en urgence. Le commandement du site décide de demander à l’hydravion de maintenir la mission mais d’amerrir au bout du lagon à hauteur du village, là ou l’eau est réputée plus calme. Et voila l’ensemble des passagers déjà prévus, plus le blessé sur une civière avec l’infirmier et le goute à goute, le légionnaire responsable de l’accident et son gardien, tous, embarqué dans une barge à laquelle était attachée en remorque un canot avec un marin à bord qui en prenait plein la figure vu l’état du lagon. Après environ une heure de navigation on est arrivé en vue de l’hydravion qui venait d’amerrir et qui se maintenait sur un moteur. Deux voyages à faire avec le canot entre l’hydravion et la barge. Le premier avec le blessé sur sa civière et l’infirmier et d’autres passagers se passe sans problème. Le canot se présente bien à la porte. Second voyage dont j’étais, le propulseur cale à mi-chemin. On dérive et le commandant de l’appareil qui crie « mes flotteurs, mes flotteurs ». Personnellement ce qui m’inquiétait c’était les hélices qui me semblaient bien basses. D’un commun accord tout le monde se met aux rames et le marin arrive à faire repartir le propulseur. On embarque sans dommage et l’hydravion décolle. Alors là, vu l’état du lagon, on peut compter les vagues (petites) aux chocs sur les flotteurs.
A Hao, comme sur tout les sites le chef de Site était un marin (sous Marinier parait-il).Dès l’arrivée des personnels les mouches sont apparues. Des milliers de mouches qui polluaient .Le chef de Site décide de faire confectionner des poubelles avec couvercles à mettre partout. Les matériaux idéals pour cette confection ont été vite trouvés ce sera les futs de carburant du S E A qui étaient sur place mais en compte au Bataillon. Prévenu, il ne me restait plus qu’a régulariser la situation comptable. Je suis allé voir le Directeur du S E A à Papeete Qui m’assuré qu’il n’en avait rien à faire et qu’il m’appartenait de justifier la disparition des bidons. Cela a été fait mais le plus difficile était de faire signer par le chef de bataillon ce genre de document alors que le détachement du régiment n’y était pour rien.
Autre cas où le matériel du bataillon devait être utilisé à d’autres fins que prévus. Quelques semaines après le débarquement du détachement à Hao un jeune S/officier de la marine est décédé dans des circonstances tragiques où il était seul en cause. Le chef de Site (un officier de Marine)s’aperçoit que tout a été prévu sauf les cercueils. En faisant ses inspections sur le Site il avait remarqué les caisses de lot d’outillages du Génie d’un aspect que nous connaissons tous. Donc à son avis, la caisse du lot pouvait devenir cercueil provisoire.
Je n’ai pas de souvenir particulier pour l’embarquement du détachement à destination de Mangaréva. IL m’arrivait d’avoir à expédier des petits matériels au détachement du bataillon sur place. La liaison régulière (voyage aller retour de plusieurs semaines) était assurée par une Goélette civile stationnée à Papeete et affrétée par le CEP. On déposait à bord ce que l’on devait expédier et chaque service récupérait ce qui lui était dû à l’arrivée. IL n’y avait (du moins au début) aucun personnel militaire permanent à bord. Donc aux premiers voyages la goélette, n’ayant à bord aucune personne avec la commission de vaguemestre, n’apportait pas le courrier. Bonjour l’ambiance à l’arrivée à Mangaréva pour tous ces personnels sans nouvelle des familles en métropole. La goélette concernée était un ancien brise glace (ou du moins prévu pour naviguer dans ces eaux là) américain construit en bois. Dans la cale où je suis allé déposé du matériel il y avait une impressionnante poutre transversale en bois pour éviter sans doute l’écrasement par la pression des glaces. Je me rappelle avoir déposé des explosifs pour le détachement dans des toilettes hors service et cadenassées.
J’ai eu également à préparer le départ du premier petit détachement qui allait construire sur une ile lointaine une station météo Sommairement cela consistait à couler une dalle sur laquelle on montait un hangar préfabriqué à toit ouvrant pour le départ des ballons sondes. Le bateaux déposait le détachement et venait le rechercher 2 mois après. Les travaux du génie assuraient la fourniture à l’embarquement des parties préfabriquées et autres matériaux. Quand à moi, en plus de l’outillage complémentaire, il ne me restait plus qu’à calculer entre autre le carburant à prévoir pour les propulseurs. Essence et huile 2 temps. Sans indication particulière ni connaissance des lieux il me fallait évaluer le nombre d’heures de propulseurs qui seraient consommées en tenant compte que le sable nécessaire pour le béton ne pouvait être trouvé que dans des grottes marines (indications données par le commandement). IL fallait être imaginatif et …multiplier le résultat des calculs par deux ou trois.
Je suis allé également en mission à Mururoa mais cette fois ci en Breguet 2 ponts ce qui m’a rappelé mes voyages France Algérie pour congés. Je n’ai pas de souvenirs particuliers de ce court séjour sur l’atoll. J’ai logé dans un des petits abris conçus par un Capitaine des Travaux du Génie pendant la rupture d’arrivage des fillods métalliques et réalisés avec des matériaux locaux, principalement issus du cocotier. Ceux qui ont stationné Mururoa pourront en dire plus.
Dans cette période de démarrage les possibilités de transport vers les sites extérieurs à Tahiti étaient mesurés tous les bâtiments de la marine n’étaient pas en place. Pour diminuer le volume à transporter l’Amiral commandant le C.E.P a fait limiter entre autre le transport de bière pour les foyers du RGT sur les sites. Une bière par jour et par homme. Je ne sais si cela a perduré.
3°) L’ambiance
Autre particularité pour nous les biffins (dixit la Marine) que nous étions, chaque semaine était édité et circulait dans les bureaux le répertoire des messages émis et reçus par l’ensemble des services et détachements du CEP. C’était un peu déroutant quelquefois. Par exemple le texte du message adressé par l’Amiral au chef de détachement du RGT(un lieutenant ) d’un site ,sur une ile très loin dans le Sud, lui demandant la destination des quantités d’alcools commandés et livrés à chaque liaison maritimes d’approvisionnement. Le Lieutenant a remercié l’Amiral pour la confiance qu’il lui accordait et lui a précisé que ces alcools étaient principalement consommés par les visiteurs qu’il recevait. En effet la goélette qui assurait l’approvisionnement des iles prenait des militaires (Génie de l’air entre autre) stationnés à Mururoa à demeure qui effectuaient le circuit maritime complet à titre de repos. En lisant la réponse du Lieutenant tout le monde s’est dit qu’il allait lui arriver quelques ennuis. C’est ce qui lui est arrivé au grand regret de tous. IL était jeune, très capable, on pouvait pressentir qu’il avait de l’avenir. Peu de temps après il a été remplacé à son détachement. Fin de l’histoire.
C’était la période de mise en place des services et bureaux du C E P. A chaque avion il arrivait des personnels destinés au démarrage de nouveaux services. Même la sécurité militaire n’a pas tardé à mettre en place ses surveillances particulières. Les transmissions mettaient en place les lignes téléphoniques. IL y avait quelques aviateurs mais pas d’avion au début. Les premiers ont été acheté au U S A et livré sur place ; C’était des petits avions version civile avec deux moteurs en ligne (hélices avant et arrière) il me semble que ce devaient être des CESNA.
Le régiment était renforcé par des personnels du Génie cadre et spécialiste travaux et chantiers. IL était articulé en deux bataillons, travaux et service. C e dernier allait devenir, pendant mon séjour entièrement « Génie » cadres et hommes du rang. Le bataillon de travaux regroupant les anciens du 5° R E I et quelques S /officiers « Génie »dont j’étais. A la fin de mon séjour des compagnies de travaux ont été formées avec des appelés arrivés de métropole La cohabitation se vivait tant bien que mal. Les officiers du Génie ne demandaient qu’à être autonomes, les officiers de la légion ne raisonnaient et ne commandaient qu’en Légionnaire, Point Barre. Les S/officiers du Génie « anciens » se pliaient plus ou moins bien aux règles et traditions de la Légion, ceci avant la réorganisation interne des personnels. . Tous les personnels de la Légion sortaient directement de la guerre d’Algérie, tous avaient un nombre impressionnant de décorations après avoir servi en Algérie et pour les anciens en Indochine toujours dans le même Régiment.
IL n’y avait pratiquement pas de relations entre sapeur du rang et simple légionnaire. Ces derniers avaient une différence d’âge et un passé militaire alors que les appelés du contingent n’avaient que quelques mois de service. Les S /officier du génie étaient eux aussi de la génération de la guerre d’Algérie et pour certain de la guerre d’Indochine .Mais il y avait eu la coupure de l’affectation en Métropole ou au FFA alors que les Légionnaires étaient arrivés en unité constituée. Personnellement j’ai retrouvé au bataillon de service deux officiers du Génie sous les ordres desquels j’avais servi en Indochine.
Le Colonel commandant le Régiment était un officier de la Légion et son adjoint un officier du Génie. Les traditions de la Légion étaient maintenues et les problèmes personnels de chacun quelque soit son arme étaient pris en compte.
Chaque Samedi Matin il y avait une prise d’arme sur la place d’arme entourée par les tentes bureaux. Le Colonel passait en revue les unités présentes et se faisait présenter les nouveaux promus et les punis sortis de punition dans la semaine. Le tout accompagné par la musique régimentaire qui était section de travaux avec un chantier le reste de la semaine.
Le Régiment tournait bien, tout était axé sur la mission chantiers.
La logistique pour le C E P avait apparemment de la peine à suivre. IL est vrai que dans l’armée française il y avait peu d’exemples de travaux aussi importants et complexes à des distances aussi longues. Sur place ou dans les pays environnants il n’y avait aucune possibilité d’approvisionnement excepté pour des vivres. .Quand le s/officier des travaux du génie achetait quelques outils ou quelques raccords de plomberie il vidait les magasins de l’ile. Le courant était fourni par une centrale électrique installée par les Américains pendant la 2ème guerre Mondiale donc aux normes américaines. Tout devait venir de métropole donc délais et il ne fallait pas d’erreurs ni dans la commande ni dans l ‘expédition (suite à une commande par le parc de pelles de terrassier est arrivé des pelles droites de panoplie d’incendie inutilisables en chantier). Mais au fur et à mesure tout se mettait en place et les chantiers arrivaient à terme. Quand j’inventoriais à Toul les matériels qui devaient partir avec le détachement du 15ème Génie de l’air j’étais loin de penser que quelques mois plus tard je serais passager d’un Breguet deux Ponts qui atterrirai à Mururoa sur la piste que le détachement avait réalisé avec une technique et dans un milieu inconnue à cette époque par le Génie militaire Français
Après un an et quelques jours de séjour je suis rentré en Métropole, retrouver ma famille et attendre une autre affectation.
J’ai gardé un excellent souvenir de cette partie de ma carrière qui m’a fait connaitre l’ambiance particulière à une cohabitation interarmes, le monde de la légion vu de l’intérieur et aussi le sentiment que nous, sapeurs de tous grades nous n’avions pas à faire de complexe vis-à-vis des autres armes.
du 9 /11/1963 au 27/11/1964
Ce texte est la chronique de mon séjour. Je ne parle que de ce que j’ai vécu et vu. Ce sont mes souvenirs, mes photos et les dates proviennent de mon dossier de service. C’étaient les premiers mois d’existence du C E P et je pense que cela fait contraste avec la grosse machine qu’a du devenir le C.E.P.
1°Désignation
J’étais au 15° Génie de l’air à Toul quand ma désignation est arrivée. Embarquement par voie aérienne civile le 8 /11/1963. Escale à Los Angeles et arrivée à Papeete le 9/11/1963 .Avant mon départ, étant affecté au service de stockage (gestion des matériels en réserve) du 15° j’avais inventorié, complété, les lots d’outillages et notamment des camions ateliers qui partaient avec le détachement du Génie de l’air pour Mururoa sans savoir que j’allais les suivre. Tout devait être complet et en état de marche et l’officier mécanicien du détachement était exigeant à juste raison.
A l’embarquement à Paris nous étions plusieurs sous/officiers à rejoindre le C.E.P notamment plusieurs « Génie », du service de santé (2 infirmiers manipulateurs radio et anesthésie) et du S.E.A (1 spécialiste réservoir).
Nous sommes arrivés au Camp D’Arué en pleine pénurie de logement, en effet les tentes Fillod métalliques complémentaires n’étaient pas arrivées au port, ce qui allait retarder par la suite l’acheminement des renforts en appelés du contingent pour une compagnie de travaux « Génie ». Nous avons pu profiter des dernières places en fillods mais ceux arrivés par les avions suivants ont étés logés sous tentes Pour ce qui nous concernait (3 adjudants du Génie) nous avons été affecté provisoirement à différents postes de chantier au camp D’Arué. On m’a attribué un petit chantier de réalisation d’une ligne busée et enterrée d’écoulement d’eau usée avec 3 sapeurs et une pelle mécanique dans le camp . Les deux autres camarades ont été vite affecté également (un était spécialisé charpente menuiserie l’autre chantier)
Le camp D’Arué :
A ce moment là le camp se trouvait à l’aplomb des premières pentes en bordure de la route qui faisait le tour de l’ile mais une réserve de terrain où il y avait des chevaux en pâture et une cocoteraie nous séparaient de la route. . IL y avait une source à gros débit qui sortait de terre au bas de la pente des premières collines. Quelques fossés drainaient le terrain et des légionnaires y péchaient de grosses anguilles qu’ils nous vendaient et que le Mess nous cuisinait .Le camp bâti était constitué de tentes Fillod Métalliques bien alignées. Le réseau d’évacuation des eaux de pluie était en construction. Les feuillées étaient de « campagne » en attendant la mise en service d’un énorme « bunker » W.C (multiples)-fosse septiques. Ces feuillées étaient, comme le veut le règlement en campagne’ déplacées tous les deux ou trois jours. Quand les personnels qui travaillaient à l’extérieur du camp rentraient la nuit était tombée. Alors on voyait des silhouettes armée d’une lampe qui erraient dans le camp avec pour mot d’ordre « tu sais où sont les feuillées ».
Une section de légionnaires creusait, coffrait, coulait des caniveaux profonds et étroits entre les averses de la saison des pluies pour évacuer les eaux de pluie qui tombaient dru. Le foyer était sous un hangar métallique. Le mess était dans une construction style locale. Le comptoir du bar était décoré avec des bambous fendus. Ces bambous avaient été coupés, avec l’autorisation des chefs de village, dans les bambouseraies voisines et utilisés aussitôt. Ce que personne n’avait dit c’est qu’il fallait avant utilisation les laisser tremper dans l’eau de mer un certain temps. Résultats : L’avant du comptoir est parti en poussière après quelques mois et a du être refait.
La cuisine tenue par la Marine fonctionnait sous un hangar sans paroi et le Régiment construisait un bâtiment en dur pour l’abriter avec l’aide technique des travaux du génie. Les chambres de S/officier étaient en cours de construction par une entreprise civile et allaient être bientôt mis à disposition. L’E M du Régiment était également sous la tente ainsi que les P.C. des compagnies. L’infirmerie –hôpital du CEP se trouvait à l’entrée du camp prés de la route dans de grands bâtiments démontables qui venaient de Reggane Le poste de police à l’entrée de la zone régimentaire .Quelques arbres rescapés des travaux existaient encore ce qui fait que de temps en temps des noix de Coco pouvaient tomber la nuit sur le toit des » fillods » et déclencher une avalanche de jurons de la part des occupants réveillés.
La vie au camp :
Toute les activités se trouvaient à l’extérieur du camps à l’exception des travaux d’aménagements intérieurs. Le matin tous rejoignaient soit l’état Major du C.E.P à Papeete soit des ateliers ou chantiers extérieurs et le soir tous rentraient et le camp s’animait. Le mess et le foyer se remplissaient, il y avait souvent des projections de films en plein air, chacun amenait sa chaise et la plupart repartaient très vite car les films, américains de séries B et C, étaient d’un intérêt moins que moyen. Chaque semaine arrivaient de nouveaux personnels de toutes armes affectés à d’autres services notamment à l’état major du C.E.P.
Personnellement j’ai été affecté à l’E.M du bataillon de travaux et je comptabilisais les matériels et outillages de chantier et gérais l’approvisionnement du petit dépôt de carburant et de lubrifiants du bataillon. Je me recomplétais au dépôt civil Shell à Papeete Pour me seconder on m’avait adjoint un C/C et un légionnaire.
Les sections de Travaux étaient dotées de lot d’outillage « génie ».Quand j’ai voulu régulariser et recompléter les quelques manquants je me suis trouvé devant des difficultés insolites ; Pour Nous sapeurs l’outillage est là pour servir, il s’use, se casse, se perd et les lots d’outillages doivent être souvent mis à niveaux. D’abord on a mis quelques mois à savoir quelle comptabilité l’on appliquerait. Dans la Marine on ne perd pas et on paye les manquants. Décision a été prise « on applique la compta matière de l’armée de terre ». Ensuite autre problème, dans la Légion si on perd on est puni. Alors les chefs de sections ont fermé à cadenas les lots d’outillages et pour travailler « tu es légionnaire et bien dém….. Toi » IL ne me restait plus qu’à imaginer des situations extraordinaires pour justifier les pertes.
2°) Le matériel :
Au début c’était un peu disparate. En ce qui concerne les gros engins de chantier je n’ai pas de souvenirs. Pour les plus petits matériels il y avait ce qu’avait apporté le 5ème R E I en venant de Mers el Kébir et d’autres mis en place pour le CEP et venant de Métropole. Par exemple, pour les groupes électrogènes il n’y avait que les groupes avec moteur Bernard 5 KWA apportés par le Régiment. A Hao au début de la mise en place du détachement les congélateurs étaient alimentés par une batterie de groupe Bernard 5 KWA qui étaient arrêtés à tour de rôle pour l’entretien. Par la suite il est arrivé des groupes Diesel Air de 15 KWA. L’atelier bois à Papeete a été installé au parc avec des remorques menuiserie fabrication Allemande venant des FFA. Tout les machines du lot étaient en caisse et tenaient dans une remorque une tonne, l’énergie était fournie par un groupe électrogène (composant du lot) à moteur de moto (Sach je crois). C’était de la fabrication » après guerre « toute les fils de ce groupe étaient rigides et avec la trépidation du moteur ils se désolidarisaient rapidement et étaient cause de pannes fréquente. La situation est devenue normale après l’arrivée des Diesels Air 15 KW
Les bétonnières Richier étaient du modèle déjà connu en Algérie, à savoir hautes. Ces mêmes « engins « ont équipé entre autre, les petits chantiers de stations Météo sur des iles lointaines. Pour certaines, en l’absence de passe pour entrer dans le lagon il fallait passer le récif corallien avec la vague sur deux chaloupes (ou pirogues) couplées et pontées et conduites par des habitants de l’atoll. A ma connaissance rien ne s’est perdu.
Le CEP a été doté au départ de propulseurs qui devaient venir des entrepôts du Génie. Ces propulseurs n’étaient pas complètement protégés et dès que le clapotis était trop fort l’eau de mer noyait l’allumage. IL y avait également des flotteurs Zodiac dont les particularités des cloisons étanches étaient mal connues des utilisateurs occasionnels. Je me rappelle qu’un A/C du génie est resté, à Hao, plusieurs heures au milieu du lagon attendant les secours. IL était parti sur le lagon avec un zodiac faire un relevé topographique au bout de l’atoll. Son propulseur est tombé en panne, un compartiment du bateau se dégonflait et personne, à terre ne remarquait ses signaux. IL a finalement été récupéré à midi mais il n’était pas de bonne humeur.
3°) les chantiers
A mon arrivée il n’y avait qu’un chantier : à Mururoa qui était, bien avancé, l’infra par le RMP et la piste d’aviation par le Génie de l’air. Ensuite il y a eu celui de Mangaréva et enfin Hao. Pour ce dernier j’ai été chargé d’établir la liste de colisage pour les matériels et véhicules du bataillon (volumes, poids) puis au port de trier les véhicules avec leur chargement, aux ordres de l’officier du bord responsable de l’emplacement et de l’arrimage suivant leurs volumes et leurs masses. A la fin le bâtiment (aviso colonial basé à Papeeete, ancien yacht de Mussolini) était trop chargé et le canon qui se trouvait sur le pont a été déposé sur le quai.
Chaque service du CEP présentait à l’embarquement ce qui les concernait(S E A, Travaux du Génie, service de santé. Compte tenu des distances et des délais d’acheminement il ne devait rien manquer
Dans l’appro. Du premier voyage il avait été prévu des briques réfractaires pour construire le four du boulanger qui a été effectivement réalisé en plein air par un camarade S /officier du Génie et le 3ème jour l’Aviso repartait et la boulangerie fonctionnait.
Le 24 08 1964 je suis allé en mission à HAO .Nous étions plusieurs passagers (nouveaux affectés, cadres en mission, renforts …etc.) à bord d’un hydravion civil affrété par le CEP. Nous avons amerri dans le lagon : petites ondulations mais coups sourds sur les flotteurs, c’est assez impressionnant.
Le détachement du RG était sous la tente. Le mess était en construction, les réservoirs du SEA en cours de montage, la centrale à eau douce était en caisse sur la plage, la réserve d’eau douce amenée par les bateaux était stockée dans des réservoirs souples déposés sur la plage, les remorques spécialisées du service de santé (chirurgie, radio, dentistes) étaient en place et fonctionnaient, l’atoll était encore coupée en deux par une avancée de la mer coté opposé au village. C’est là que les Grands travaux de Marseille (il me semble) devaient construire une piste pour gros porteurs, le camion laboratoire des sols était déjà en place. Il y avait un bateau en cours de déchargement. Il stationnait au milieu du lagon et des petits pontons motorisés de la marine faisaient la navette pour amener les matériels et matériaux à terre. Mais le temps a changé, le lagon est devenu trop agité et le transbordement a du être arrêté. Donc arrêt et mise en sureté des matériels de transbordement. Mais le lagon s’agite fort et cela en rien de temps devient périlleux. Un des petits pontons est resté amarré à 20 m de la plage avec le pilote à bord qui a du attendre le matin pour regagner la plage. J’ai vu le Second Maitre responsable du transbordement en accostant à l’embarcadère disparaitre entre le quai et son embarcation puis ressurgir poussé par la vague et attraper le quai in extrémis et tout cela parce que, vu l’état de la mer, qui se répercutait sur le lagon le transbordement aurait du s’arrêter ½ H plus tôt.
L’hydravion devait venir nous reprendre le 31 /8 mais compte tenu de l’agitation des eaux du lagon l’amerrissage n’était pas possible. Donc report à plus tard. Mais le 29 (ou le 30 je ne suis pas sur) au soir un légionnaire est percuté par une Jeep conduite frauduleusement par un de ses camarades. Grave blessure au niveau de la tête et intervention chirurgicale sur place. L’évacuation sanitaire est demandée en urgence. Le commandement du site décide de demander à l’hydravion de maintenir la mission mais d’amerrir au bout du lagon à hauteur du village, là ou l’eau est réputée plus calme. Et voila l’ensemble des passagers déjà prévus, plus le blessé sur une civière avec l’infirmier et le goute à goute, le légionnaire responsable de l’accident et son gardien, tous, embarqué dans une barge à laquelle était attachée en remorque un canot avec un marin à bord qui en prenait plein la figure vu l’état du lagon. Après environ une heure de navigation on est arrivé en vue de l’hydravion qui venait d’amerrir et qui se maintenait sur un moteur. Deux voyages à faire avec le canot entre l’hydravion et la barge. Le premier avec le blessé sur sa civière et l’infirmier et d’autres passagers se passe sans problème. Le canot se présente bien à la porte. Second voyage dont j’étais, le propulseur cale à mi-chemin. On dérive et le commandant de l’appareil qui crie « mes flotteurs, mes flotteurs ». Personnellement ce qui m’inquiétait c’était les hélices qui me semblaient bien basses. D’un commun accord tout le monde se met aux rames et le marin arrive à faire repartir le propulseur. On embarque sans dommage et l’hydravion décolle. Alors là, vu l’état du lagon, on peut compter les vagues (petites) aux chocs sur les flotteurs.
A Hao, comme sur tout les sites le chef de Site était un marin (sous Marinier parait-il).Dès l’arrivée des personnels les mouches sont apparues. Des milliers de mouches qui polluaient .Le chef de Site décide de faire confectionner des poubelles avec couvercles à mettre partout. Les matériaux idéals pour cette confection ont été vite trouvés ce sera les futs de carburant du S E A qui étaient sur place mais en compte au Bataillon. Prévenu, il ne me restait plus qu’a régulariser la situation comptable. Je suis allé voir le Directeur du S E A à Papeete Qui m’assuré qu’il n’en avait rien à faire et qu’il m’appartenait de justifier la disparition des bidons. Cela a été fait mais le plus difficile était de faire signer par le chef de bataillon ce genre de document alors que le détachement du régiment n’y était pour rien.
Autre cas où le matériel du bataillon devait être utilisé à d’autres fins que prévus. Quelques semaines après le débarquement du détachement à Hao un jeune S/officier de la marine est décédé dans des circonstances tragiques où il était seul en cause. Le chef de Site (un officier de Marine)s’aperçoit que tout a été prévu sauf les cercueils. En faisant ses inspections sur le Site il avait remarqué les caisses de lot d’outillages du Génie d’un aspect que nous connaissons tous. Donc à son avis, la caisse du lot pouvait devenir cercueil provisoire.
Je n’ai pas de souvenir particulier pour l’embarquement du détachement à destination de Mangaréva. IL m’arrivait d’avoir à expédier des petits matériels au détachement du bataillon sur place. La liaison régulière (voyage aller retour de plusieurs semaines) était assurée par une Goélette civile stationnée à Papeete et affrétée par le CEP. On déposait à bord ce que l’on devait expédier et chaque service récupérait ce qui lui était dû à l’arrivée. IL n’y avait (du moins au début) aucun personnel militaire permanent à bord. Donc aux premiers voyages la goélette, n’ayant à bord aucune personne avec la commission de vaguemestre, n’apportait pas le courrier. Bonjour l’ambiance à l’arrivée à Mangaréva pour tous ces personnels sans nouvelle des familles en métropole. La goélette concernée était un ancien brise glace (ou du moins prévu pour naviguer dans ces eaux là) américain construit en bois. Dans la cale où je suis allé déposé du matériel il y avait une impressionnante poutre transversale en bois pour éviter sans doute l’écrasement par la pression des glaces. Je me rappelle avoir déposé des explosifs pour le détachement dans des toilettes hors service et cadenassées.
J’ai eu également à préparer le départ du premier petit détachement qui allait construire sur une ile lointaine une station météo Sommairement cela consistait à couler une dalle sur laquelle on montait un hangar préfabriqué à toit ouvrant pour le départ des ballons sondes. Le bateaux déposait le détachement et venait le rechercher 2 mois après. Les travaux du génie assuraient la fourniture à l’embarquement des parties préfabriquées et autres matériaux. Quand à moi, en plus de l’outillage complémentaire, il ne me restait plus qu’à calculer entre autre le carburant à prévoir pour les propulseurs. Essence et huile 2 temps. Sans indication particulière ni connaissance des lieux il me fallait évaluer le nombre d’heures de propulseurs qui seraient consommées en tenant compte que le sable nécessaire pour le béton ne pouvait être trouvé que dans des grottes marines (indications données par le commandement). IL fallait être imaginatif et …multiplier le résultat des calculs par deux ou trois.
Je suis allé également en mission à Mururoa mais cette fois ci en Breguet 2 ponts ce qui m’a rappelé mes voyages France Algérie pour congés. Je n’ai pas de souvenirs particuliers de ce court séjour sur l’atoll. J’ai logé dans un des petits abris conçus par un Capitaine des Travaux du Génie pendant la rupture d’arrivage des fillods métalliques et réalisés avec des matériaux locaux, principalement issus du cocotier. Ceux qui ont stationné Mururoa pourront en dire plus.
Dans cette période de démarrage les possibilités de transport vers les sites extérieurs à Tahiti étaient mesurés tous les bâtiments de la marine n’étaient pas en place. Pour diminuer le volume à transporter l’Amiral commandant le C.E.P a fait limiter entre autre le transport de bière pour les foyers du RGT sur les sites. Une bière par jour et par homme. Je ne sais si cela a perduré.
3°) L’ambiance
Autre particularité pour nous les biffins (dixit la Marine) que nous étions, chaque semaine était édité et circulait dans les bureaux le répertoire des messages émis et reçus par l’ensemble des services et détachements du CEP. C’était un peu déroutant quelquefois. Par exemple le texte du message adressé par l’Amiral au chef de détachement du RGT(un lieutenant ) d’un site ,sur une ile très loin dans le Sud, lui demandant la destination des quantités d’alcools commandés et livrés à chaque liaison maritimes d’approvisionnement. Le Lieutenant a remercié l’Amiral pour la confiance qu’il lui accordait et lui a précisé que ces alcools étaient principalement consommés par les visiteurs qu’il recevait. En effet la goélette qui assurait l’approvisionnement des iles prenait des militaires (Génie de l’air entre autre) stationnés à Mururoa à demeure qui effectuaient le circuit maritime complet à titre de repos. En lisant la réponse du Lieutenant tout le monde s’est dit qu’il allait lui arriver quelques ennuis. C’est ce qui lui est arrivé au grand regret de tous. IL était jeune, très capable, on pouvait pressentir qu’il avait de l’avenir. Peu de temps après il a été remplacé à son détachement. Fin de l’histoire.
C’était la période de mise en place des services et bureaux du C E P. A chaque avion il arrivait des personnels destinés au démarrage de nouveaux services. Même la sécurité militaire n’a pas tardé à mettre en place ses surveillances particulières. Les transmissions mettaient en place les lignes téléphoniques. IL y avait quelques aviateurs mais pas d’avion au début. Les premiers ont été acheté au U S A et livré sur place ; C’était des petits avions version civile avec deux moteurs en ligne (hélices avant et arrière) il me semble que ce devaient être des CESNA.
Le régiment était renforcé par des personnels du Génie cadre et spécialiste travaux et chantiers. IL était articulé en deux bataillons, travaux et service. C e dernier allait devenir, pendant mon séjour entièrement « Génie » cadres et hommes du rang. Le bataillon de travaux regroupant les anciens du 5° R E I et quelques S /officiers « Génie »dont j’étais. A la fin de mon séjour des compagnies de travaux ont été formées avec des appelés arrivés de métropole La cohabitation se vivait tant bien que mal. Les officiers du Génie ne demandaient qu’à être autonomes, les officiers de la légion ne raisonnaient et ne commandaient qu’en Légionnaire, Point Barre. Les S/officiers du Génie « anciens » se pliaient plus ou moins bien aux règles et traditions de la Légion, ceci avant la réorganisation interne des personnels. . Tous les personnels de la Légion sortaient directement de la guerre d’Algérie, tous avaient un nombre impressionnant de décorations après avoir servi en Algérie et pour les anciens en Indochine toujours dans le même Régiment.
IL n’y avait pratiquement pas de relations entre sapeur du rang et simple légionnaire. Ces derniers avaient une différence d’âge et un passé militaire alors que les appelés du contingent n’avaient que quelques mois de service. Les S /officier du génie étaient eux aussi de la génération de la guerre d’Algérie et pour certain de la guerre d’Indochine .Mais il y avait eu la coupure de l’affectation en Métropole ou au FFA alors que les Légionnaires étaient arrivés en unité constituée. Personnellement j’ai retrouvé au bataillon de service deux officiers du Génie sous les ordres desquels j’avais servi en Indochine.
Le Colonel commandant le Régiment était un officier de la Légion et son adjoint un officier du Génie. Les traditions de la Légion étaient maintenues et les problèmes personnels de chacun quelque soit son arme étaient pris en compte.
Chaque Samedi Matin il y avait une prise d’arme sur la place d’arme entourée par les tentes bureaux. Le Colonel passait en revue les unités présentes et se faisait présenter les nouveaux promus et les punis sortis de punition dans la semaine. Le tout accompagné par la musique régimentaire qui était section de travaux avec un chantier le reste de la semaine.
Le Régiment tournait bien, tout était axé sur la mission chantiers.
La logistique pour le C E P avait apparemment de la peine à suivre. IL est vrai que dans l’armée française il y avait peu d’exemples de travaux aussi importants et complexes à des distances aussi longues. Sur place ou dans les pays environnants il n’y avait aucune possibilité d’approvisionnement excepté pour des vivres. .Quand le s/officier des travaux du génie achetait quelques outils ou quelques raccords de plomberie il vidait les magasins de l’ile. Le courant était fourni par une centrale électrique installée par les Américains pendant la 2ème guerre Mondiale donc aux normes américaines. Tout devait venir de métropole donc délais et il ne fallait pas d’erreurs ni dans la commande ni dans l ‘expédition (suite à une commande par le parc de pelles de terrassier est arrivé des pelles droites de panoplie d’incendie inutilisables en chantier). Mais au fur et à mesure tout se mettait en place et les chantiers arrivaient à terme. Quand j’inventoriais à Toul les matériels qui devaient partir avec le détachement du 15ème Génie de l’air j’étais loin de penser que quelques mois plus tard je serais passager d’un Breguet deux Ponts qui atterrirai à Mururoa sur la piste que le détachement avait réalisé avec une technique et dans un milieu inconnue à cette époque par le Génie militaire Français
Après un an et quelques jours de séjour je suis rentré en Métropole, retrouver ma famille et attendre une autre affectation.
J’ai gardé un excellent souvenir de cette partie de ma carrière qui m’a fait connaitre l’ambiance particulière à une cohabitation interarmes, le monde de la légion vu de l’intérieur et aussi le sentiment que nous, sapeurs de tous grades nous n’avions pas à faire de complexe vis-à-vis des autres armes.
adrien- membre
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Re: MES 383 JOURS AU 5° R.M.P. 1964
Merci ADRIEN d'avoir pris le temps d'écrire ce long texte, qui nous en apprend beaucoup sur la vie au 5°RMP à cette époque.
Re: MES 383 JOURS AU 5° R.M.P. 1964
Cela et bien raconté et certaines voir beaucoup des activités décrites ont continuées avec le temps.
papynuc- membre
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