Métamorphose

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Octobre 1970.

-Vous êtes muté à la quatre, soyez y demain à huit heures !!!

Ah bon ! Zu Befehl !

J’arrive le lendemain, au milieu d’une foule de gars, qui généralement ne se connaissent pas, au deuxième étage du grand bâtiment de grés rouge modèle « Kaiser Wilhelm, militärsonderbauamt », l’étage de la quatre. Heureusement je connais du monde et je tombe sur Jacky qui m’explique qu’il est le nouvel adjudant de compagnie, et qu’il a for à faire parce que, de la vieille 13/4, il ne reste plus que le lieutenant adjoint, cet excellent Mr Brana, Knecht le chef comptable, et un sapeur par section.
Tout le monde n’est pas arrivé, j’apprend quand même que je suis nommé adjoint au chef de la deuxième section, que mon chef de section fait partie de « L‘échelon C », que c’est un sous lieutenant de réserve, qu’il est ingénieur quelque part dans le Sundgau et que, donc, je ne le verrai jamais, que, au lieu de poser des question à la con, je ferais mieux de m’occuper de ma section. Dont acte !
Je finis par trouver un état nominatif et je sillonne la compagnie et ses abords pour rassembler mes ouailles.
Finalement chacun trouve sa place, les entités se constituent et on finit par avoir une idée de ce que nous sommes désormais : la 13/4 sur le pied division 67. (Dite aussi Division PLT)
Le lieutenant Brana commande la compagnie en attendant un nouveau capitaine, la première section est aux ordres d’un lieutenant sortant d’école, la deuxième est commandée, faute de mieux par un sergent chef de quelques mois de grade qui cumule les poste de chef et d’adjoint, la trois a un sous lieutenant du contingent à sa tête. La pontage est échue à Dominique et l’échelon à Patrice, tous deux chefs aussi jeunes que moi. Jacky n’a que peu d’années de plus que nous, mais lui il a fait l’Algérie, il a du caractère, c’est le moins que l’on puisse dire, et il est parfait dans son rôle d’aîné de la compagnie.
Quelques chefs d’escouade (je préfère ce terme à chef de groupe qui est trop interarmes à mon goût) sont là, des gars du régiment, déjà anciens, et ayant fait le stage VCG au 9RG. Les nouveaux arrivent de l’école, eux ils ont suivit la formation complète Génie combat méca. J’ai quatre caporaux, radio tireur et chefs d’équipe ; et des sapeurs tout neufs. Ajoutons deux pilotes et deux conducteurs, ça ne fait guère plus d’une vingtaine de bonshommes. Moi, je suis habitué à en avoir trente à quarante ; il faut bien ça pour faire du M4T6. Il va me falloir apprendre à manier mon nouvel outil.
Au treize, on est sensé avoir la science infuse.

À SUIVRE

Ça y est, tout le monde est là et les véhicules, les engins, les outils, tout le matériel viennent d’arriver et nous attendent solennellement sur la place d’arme.
Buon et Gil, mes chefs d’escouade sont déjà en train de prendre possession de leurs nouveaux jouets. On nous a attribué les VCG 604 0565 et 566, plus tard baptisés « Saverne » et « Baccarat ». Le camion et la jeep sont presque neufs. L’outillage est conséquent, même si c’est à peu prés le même qu’avant ; il a l’avantage d’être conditionné dans des emballages beaucoup plus léger et maniables que ceux que nous connaissions. Pour les petits engins, je n’en reviens pas, tronçonneuses et marteau perforateur à moteur thermique ; pour une fois, la république nous gâte.
Pour le reste de la compagnie tout n’est pas neuf, mais c’est du bon ; « Flin » et « Vathimènil » les deux PP marchent très bien, même si il y a des soupçons de fissures sur les casemates. Le Patton « Aspirant Raccah » était là avant nous, mais fonctionne parfaitement et les mouches se coupent les pattes sur les rayures de son canon de 90; c’est vrai qu’il ne tire pas souvent. Les deux compresseurs Leroy six mille litres restent en place ; le CD8 bondissant « Djebel Garci » également. Je ne me souviens plus ce qu’il en était du VTT DLRG.
Quant à moi, il me reste à parcourir l’abondante littérature qui dans notre armée accompagne chaque véhicule, chaque artefact, voir chaque petit objet.
A suivre

Buon et Gil connaissent bien leur job. Moi j’ai fais, il y a deux ans , un petit stage AMX au sein du régiment. Toutefois c’était bien court et comme l’instructeur mesurait l’acidité des batteries en degrés Fahrenheit, je crains d’être un peu léger sur le sujet.
            Pour la doctrine d’emploi, tout le monde a vu le petit film pédagogique tourné par l’Etablissement. Cinématographique des Armées décrivant le combat de la section Génie méca. Dans l’offensive nous sommes juste derrière les éléments de tête et en défensive, derrière aussi, ce qui est particulièrement délicat. Pour le travail, je ne me faisais pas de soucis, non, ce qu’il me fallait déterminer c’était la stratégie. Que l’on ne croit pas que je me prenais pour Clausewitz, ce que je voulais découvrir, c’était comment utiliser au mieux et dans le travail interarmes au ras des pâquerettes mon nouvel outil.
Il n’y a que peu de façons différentes de manier la pioche, mais, à la Brigade, comment ça se passe ?
J’aime bien savoir les eaux où je navigue ; alors je rassemble mes souvenirs et je me renseigne. La quatre est connue pour avoir le plus fort taux d’activité extérieure du régiment. La preuve, ses poseurs de pont ne sont jamais en panne.
La quatre est la compagnie du Génie de la troisième brigade mécanisée de Wittlich. À quoi ressemble le combat que nous sommes sensés mener ? Quels sont nos rapports avec « L’Interarmes » ?
Notre brigade se chargeât de calmer mes interrogations.
Très rapidement nous fûmes invités à Wittlich, au Kriegspiel.
Pour l’occasion on revêtit nos treillis les moins fatigués et nos cuirs les plus ajustés. C’est vrai que les brelages « Pinay » une fois qu’ils avaient pris la forme de votre anatomie, ils vous donnaient de l’allure.
Le Lieutenant adjoint et les quatre chefs de section de la CGB furent reçus avec beaucoup de sympathie par l’état major de la brigade. Je crois que les commandants du bureau opérations, tous vieux soldats, nous voyants si jeunes nous prirent un peu de façon paternelle.
Je fus dés lors en mesure de combler mes lacunes en cellule d’emploi.
La 3éme BM comptait :
Le 5éme Cuir, ou « Royal Pologne », le 8éme Chasseurs, ou « Sidi Brahim », le 42éme RI, ou «  Fanfan la tulipe », le 16éme RAB, qui était aussi à prendre au sérieux que n’importe qui, surtout avec ses gros 155 automouvants. Et enfin le 403éme BCS, chargé du quotidien.
Voilà pour les gros.
Ajoutons une Compagnie de Génie de Brigade ; nous ; une compagnie de transmissions et une compagnie d’éclairage, au personnel sélectionné parmi les chasseurs les plus mordants.
Pour les grosses affaires, nous recevions une compagnie en renfort, Légion, ou infanterie para, voir Panzergrenadiere
La brigade : 4 400 hommes. C’était une force puissante, avec une puissance de feu terrible, et avec un général à sa tête. La Brigade avait une taille qui vous permettait de l’appréhender, de connaître les principaux acteurs, de vous en sentir membre, et cela vous gonflait le cœur. On se sentait invincibles.

Oh ! Nous n’oubliions pas le régiment, certes non ; mais la brigade, c’était autre chose.


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Ci dessus: Baudouin et  Desartre foncent sur la piste


À SUIVRE

Les mois avaient passé.
 
À la 13/4, nous avions maintenant un capitaine. Le lieutenant d’active, appelons le Georges, avait du laisser sa section pour endosser l’habit de commandant de compagnie en second. Il avait été remplacé à la une par le grand Denis, un sous lieutenant ORSA. La troisième section n’était commandée qu’épisodiquement par un officier du contingent, lorsque le régiment voulait bien nous en attribuer un.
La compagnie commençait à être rodée. L’entraînement quotidien, les exercices et les séjours en camp avec la brigade avaient fait leurs effets. Finalement, le combat inter armes ce n’était pas compliqué. Simple et tout d’exécution, comme le disait l’Empereur.
Ah ! La brigade, nous n’y comptions pas pour rien. Notre général nous faisait bien sentir l’intérêt qu’il nous portait.
C’était bien nouveau, parce que l’état major de la division, pour nous, c’était Trianon, et celui du corps d’armée, à Baden Oos, nous le voyions comme le Versailles de Loulou quatorzième du nom.
Et quel homme, notre général à nous.
La première fois que l’on le rencontrait, il vous faisait irrésistiblement penser à Du Guesclin. D’ailleurs son indicatif était ; «Connétable ».
J’ai rarement rencontré une personnalité aussi charismatique. Je suis sûr que n’importe quel homme de la brigade l’aurait suivit en enfer.
Un jour de visite, chez nous à l’EDP de la Moselle, à Baudouin, qui lui présentait son LFP 54, Connétable demandât, « c’est vous qui êtes chargé de vous en servir ? » -- - « Oui, mon Général ! » -- «Je disais ça, parce que j’ai fait la guerre avec ce truc là sur le dos ».
De quoi en rester comme  deux ronds de frites.
Un jour, à Mailly ou à Mourmelon, peu importe, Connétable était installé à l’arrière d’un VTT d’un banal groupe de combat du 8éme Chasseurs. Je suivais à travers bois dans ma jeep. (J’étais le seul crétin à ne pas être sous blindage). Pendant qu’un peloton de 13 canon cherchait le meilleur moyen de déboucher du petit bois, le Brigadier descendit , suivant le déroulement de l’affaire grâce à un haut parleur installé à la boite de connexion arrière du VTT. Marchant dans la boue sur ses snow boots, il vint tailler une bavette avec votre serviteur. Comme je trouvais le temps long, il m’expliquât ; « Ce n’est qu’un exercice, il faut leur laisser le temps d’apprendre ».
La métamorphose était terminée. Les mutations se calmèrent un peu. L’équipe se stabilisât. Sous la houlette de notre hardi capitaine, avec Daniel, le nouveau commandant en second, un aventurier né ; Jacky qui veillait à tout, le colt 45 ACP au ceinturon ; le grand Denis, toujours dans les coups fumants ; ma pomme, jamais en reste, avec mes deux braves, Buon et Gil à mes cotés; avec le soutien de Dominique et de Patrice et leur gros matos ; nous enchaînâmes les aventures. Avec tout le monde et le maximum de matériel, les panzers compris ; avec où sans la brigade, mais dehors ; la grande semaine, on la fuyait au fond de l’Eifel ou du Hunsrück.
Et notre général ? Et bien, quelques années plus tard, j’appris par la presse qu’il était partit pour le Walhalla, suite à un accident de voiture. C’est très con, et très injuste. Non ?

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 Connétable rend visite à ses sapeurs


FIN
 
Post Scriptum : L’idéal pour illustrer cet article eut été d’y coller une ou deux photos du fanion de la  13/4. Mais je n’en possède pas. À mon grand regret.
Si ce « post » est lu du coté du Valdahon, peut être qu’un sapeur de bonne volonté … ?

Merci pour ton récit camarade sapeur ! Tes souvenirs paraissent intacts.

bonjour JOE,
DANIEL a raison très vivant le récit ,on croirait que tu as vécu tout cela hier ,les petites références historiques et guerrières le rendent encore plus savourueux.
Cordialement
DOMINIQUE

Merci! je suis confus.
Une précision: le 42éme, c'était "Fanfan la tulipe" surtout à cause du nom du foyer du soldat; mais le 42 est connu avant tout comme étant: " L'as de carreau".
Salut !!! Sapeurs !!!

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Bonjour à tous,
Bonjour Joe,

C'est ce que tu voulais ?
En haut, le fanion que tu as dû probablement connaître.
En bas, le fanion de tradition de la 4ème Cie du 13° B.G.

Méfi. Ne fais pas comme certains, ne confonds pas régiment et bataillon !

Cordialement,
Bernard.

Bonsoir tous.
Bonsoir Bernard.
 
Et bien, mon souhait est exaucé au delà de toute espérance. Et quelle promptitude. 
Je ne confonds pas le bataillon, qui précédât le régiment, ni même n'oublie que la 13/1 donnât naissance au bataillon. Si, comme je l'espère il est encore des nôtres, Mr Cholley m'en voudrait beaucoup. Et je ne voudrais surtout pas lui faire de la peine.
Toujours est il, mon cher Bernard, que je te suis désormais redevable. Et je me demande comment tu as réussit à trouver ces clichés aussi rapidement.
Un grand merci plein de reconnaissance.
 
Bien à vous tous.

Bonsoir à tous,
Bonsoir Joe,

Le Gal Cholley n'est plus, hélas... Quant aux photos, elles proviennent de mes archives perso. Je n'ai donc pas eu de mal à les retrouver.
Heureux de t'avoir fait plaisir. Après tout, n'est-ce point là l'intérêt du Forum ? S'entraider ?

Cordialement,
Bernard.

Bernard c'est un peu CASTO ,chez BERNARD y a tout ce qui faut.... mais il y en a d'autres sur ce FORUM,c'est pour cela qu'il s'enrichit pour le plaisir de tous .

Bonsoir à tous. Bonsoir Bernard, bonsoir Dominique.
 
Il semble, en effet que Bernard possédasse, peut être pas « Tout ce qu’il faut », mais à coup sûr une grande magnétothèque. Et il a en plus la bonté d’en faire profiter les membres du forum.
Et donc : Vive le forum et ses « forumeurs » !!! (1)
Ainsi, Monsieur Cholley nous a quitté. Encore un grand témoin qui disparaît. Nous n’oublierons pas l’homme qu’il était, le chef qu’il était. Ses exploits guerriers, en particuliers dans les Vosges et à Royan, se chanteront encore longtemps au bivouac, autour du feu de camps.
Salut les gars.
 
(1) Je ne suis pas sûr que ce vocable ait été adopté par l’académie.